The International Organisation of Creole People
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FEDERATION DES CREOLES MAURICIENS

Le père Grégoire mobilise une foule importante au Champ-de-Mars
L'Express, 28 octobre 2007

 

Le rassemblement qu’organisait hier la FCM a attiré quelque 20'000 personnes. Et si plusieurs artistes ont participé à l’animation, le moment phare a été le discours du père Grégoire, qui a plaidé pour la prise en charge de l’individu.

Père grégoire
“Nou ne pli kapave asize croiz le bra attan ki gouvernmen tir nou dan pauvrete. Nou ne pli kapav dir ki c secter prive ki pou tir nou ladan, ou ki enn messie – enn leader creole pou vini tir nou.” C’est par ces propos énoncés presque sur le ton du sermon que le père Jocelyn Grégoire a encouragé la foule venue célébrer avec lui la Journée mondiale de la langue et de la culture créole, à se prendre en main. Le président de la Fédération des créoles mauriciens (FCM) intervenait hier après-midi au Champ-de-Mars lors d’un rassemblement qui a attiré quelque 20 000 personnes.

Quant aux estimations faites par les organisateurs et les parties présentes, elles font état de chiffres variant entre 30'000 et 70'000 personnes. Quoi qu’il en soit, c’est avec une certaine ferveur que cette foule dense, dans l’enceinte de l’hippodrome, a suivi le discours du père Grégoire qui a duré pratiquement deux heures.

Pour le président de la FCM, le moment d’un “nouveau soleil” est arrivé pour la population créole. “Assez de ces peurs qui nous empêchent de prendre nos responsabilités sous prétexte que nous n’existons pas dans ce pays”.

Le soutien “de différents partis”

Si le père Grégoire affirme que les créoles se sont “sentis abandonnés” par le gouvernement, le secteur privé, et l’Eglise à différents moments, il estime cependant que les créoles ont maintenant le support des différents partis. “Quand vous avez des députés du MMM, du MSM, du Parti travailliste, de l’Union nationale c’est qu’ils sont là pour une cause et qu’ils ont momentanément mis leurs différends de côté. Les créoles ont maintenant le support de tous ces partis.”

En ce qui concerne l’Eglise, il parle de “soutien pour que nous avancions dans notre combat pour hisser les créoles hors de la pauvreté”. Le secteur privé aurait lui aussi offert son aide à travers “quelques membres qui ont envie de nous donner un coup de main”.

Le prêtre insiste cependant qu’une prise en charge au niveau de l’individu est essentielle pour tout progrès. “Nou pa bizin blame personne. Nou bizin dibout pou nou sorti de nou la mizer”. “Assez de blâmer l’Eglise, le secteur privé, le gouvernement, les autres communautés. C’est facile de blâmer et de croiser les bras. Prenons d’abord nos responsabilités et si ça ne marche pas, alors nous verrons qui il faudra blâmer”, poursuit le président de la FCM.

Le père Grégoire plaide en faveur de l’éducation pour un avenir plus brillant. Selon lui, les adultes n’ayant pu terminer leur éducation doivent pouvoir se lancer à nouveau dans les études, car “l’éducation c’est la clef qui peut ouvrir toutes les portes qui nous restent fermées”, soutient le père Grégoire. La FCM a donc l’intention de travailler à l’élaboration d’un Adult Education Programme – “l’éducation de la seconde chance” – avec les différents partenaires économiques, politiques et sociaux.

Il estime aussi que les créoles sont un groupe “menacé de disparition”. Et expliquant que certains métiers – mécanicien, maçon, pêcheur, métiers tradition- nellement occupés par des créoles – sont menacés par les avancées technologiques, il dénonce un phénomène “d’assassinat professionnel, économique et social”. Ainsi, les créoles risquent de se trouver sans emploi et de disparaître graduellement, selon l’argumentation du père Grégoire.

Si l’éducation est l’une des solutions préconisées, l’unité est aussi une des priorités. “Nou bizin marie pike pou nou batir linite national. Le momen c maintenan, sinon nou pou rate li”, argumente le père Grégoire qui désire aussi une unité nationale. “Nous devons œuvrer pour la reconstruction des relations entre nous et nos frères et sœurs blancs, nos frères et sœurs de la bourgeoisie créole, nos frères et sœurs tamouls, hindous, musulmans et chinois. Mais avant tout nous demandons que ‘populations générale’ devienne ‘créoles et autres chrétiens’”.

“Je suis un prêtre, pas un politicien”

L’un des objectifs principaux de la FCM est en effet que l’appellation “population générale” dans la Constitution, soit amendée. “Il y a un nouvel ordre social dans lequel les créoles refusent de continuer dans le fourre-tout qui s’appelle ‘population générale’”, dit avec conviction le prêtre. Dans la même lignée, la fédération militera pour que le créole devienne une langue reconnue, et soit instituée au niveau de l’éducation.

Le père Grégoire souhaite une unification entre les différentes couches du groupe, actuellement décrit comme “population générale”. Il plaide notamment pour un arrêt des divisions sectaires entre les différents groupes de la communauté catholique. “J’espère que nous allons arriver un jour à arrêter de dire ‘ti créole, grand créole, demi-clef, milate”. Il renchérit aussi en faisant appel à l’unité entre les politiciens des différents partis. “Assez de nos conflits de personnalité ou d’idéologies. Il y a une cause beaucoup plus grande et beaucoup plus honorable : tirer la communauté créole de la misère.”

Plusieurs personnalités politiques ont répondu “présent” à l’appel de la FCM et assisté à la rencontre, notamment Arianne Navarre-Marie, Joe Lesjongard, Eric Guimbeau, Maurice Allet, Mireille Martin, Sheila Grenade, Clarel Malherbe et Danielle Perrier. Cette participation a rassuré la FCM de la répercussion de ses actions. “Pour la première fois dans ce pays nous avons réussi à avoir des politiciens de tous les bords, ensemble, ici pour une rencontre” souligne le père Grégoire.

Justifiant son engagement au sein de la fédération, le père Grégoire explique qu’il s’agit de répondre à l’appel des plus démunis. “Je suis un prêtre, je ne suis pas un politicien. C’est avec l’évangélisation que je prends une option préférentielle pour les pauvres”.

Le père Grégoire parle aussi du soutien de Dieu dans le combat entamé par la fédération contre la pauvreté pour la communauté créole. “Le bon Dieu est avec nous. Les membres de la communauté blanche, de la bourgeoisie créole, du gouvernement, ne seraient pas là si Dieu n’était pas avec nous.”

Il a aussi rappelé que de nombreux créoles ont réussi. Il a ainsi cité les noms de Jean Suzanne et de Lise Coindreau comme exemples.

Le prêtre déplore les critiques essuyées depuis la création de la fédération. “Assez de critiquer les initiatives. Laissez-nous faire notre travail”, exhorte-t-il.

Le président de la FCM est revenu sur les quotas pour l’emploi dans le secteur privé. Il a demandé à nouveau à ce que les organismes parapublics emploient 35 % de créoles. “Nous devons lutter contre les injustices à Maurice. Il faut arrêter ce système où on n’est pas employé dans les organismes parapublics si on n’a pas de backing”.

Parmi les causes sur lesquelles le père Grégoire souhaite attirer l’attention: les squatters, en particulier ceux de Karo Kalyptis, et les éleveurs de porcs.

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La fédération présente son comité exécutif

Le comité exécutif de la FCM a été présenté lors du rassemblement du Champ-de-Mars. Sous la présidence du père Grégoire, s’y trouvent aussi: le père Philippe Fanchette, Edley Chimon, Sydney Adelson, Marie Anne Lagane, Christophe Bellepeau et Jean-Claude Tour. Parmi les membres, ont aussi été présentés Eric Jolicoeur, Patrick Guimbeau et Arlette Nadan.

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Emporté par la foule…

11h30 ce dimanche 28 octobre. Des groupes épars de camarades et membres d’une même famille sortant de la messe dominicale célébrée en créole dans la cathédrale Saint-Louis, ou déambulant des rues adjacentes se pressent vers le Champ-de-Mars. Quelle course exceptionnelle peut donc s’y tenir qui les fait courir ainsi ? Ils s’y rendent tous pour la Journée mondiale de la langue et culture créoles, à l’appel du père Grégoire, président de la Fédération des créoles mauriciens. Nous nous rapprochons du lieu de rendez-vous et bientôt une foule innombrable y converge, des enfants, des jeunes, des moins jeunes et des vieillards qui peinent à porter leurs tabourets et chaises pliantes ainsi que le pique-nique pour la journée qui promet d’être longue et intense selon le programme annoncé : une succession d’artistes locaux tels qu’Alain Ramanissum, OSB, etc. prêteront leurs talents aux festivités en attendant le discours du père Grégoire.

Des “vans”, des taxis de location, et quelque 60 bus s’approchent également, forçant les piétons à se faufiler le long d’un sentier poussiéreux. Ils n’ont pas l’air de savoir où se diriger, mais bientôt la musique stéréophonique qui s’échappe des haut-parleurs les guide vers l’estrade aménagée au fond du champ, vers les loges. Ils s’y engouffrent, portés par la musique et le flot de gens qui s’intensifie à une vitesse impressionnante pour aller s’immobiliser derrière les barricades jalousement gardées par une police très présente.

Bientôt une clameur monte, et la foule en liesse, fervente et impatiente à la fois se masse et stagne, compacte derrière les barrières de sécurité où elle s’animera au gré de son leader, le père Grégoire, jusque vers 17 heures sous un soleil de plomb. Qu’importe la sueur, les quelques moins résistants qui s’évanouissent. Cette foule est totalement galvanisée. Elle écoutera et reprendra religieusement les leitmotiv scandés par le père Jocelyn Grégoire.