Du marron archaïque: fantôme et cannibale

par Thierry L'Etang

Bromelia karatas

Bromelia karatas, Caravelle (Martinique), les fruits étaient très appréciés par les Caraïbes.
Photo F.Palli
C’était la coutume de menacer les enfants de les faire enlever par un marron.
Car le marron était pour les populations, la personnification du diable.
E. Glissant, Le quatrième siècle, Seuil, 1964

Sommaire

Les Caraïbes sont-ils des marrons?
Version première
Version seconde
Inibi, Igniri, Igneri, Iniri
Vien-Vien, Bien-Bien
Ciboneyes, Exbuneyes, Guanahatabeyes, Guanahacabibes
Tamon
Notes
Références bibliographiques

Marron, nègre marron: le mot résonne en moi d’échos multiples. Au plus loin de mes souvenirs, quelque part au début des années 60, il prend, aux alentours de cette école primaire d’un quartier rural du Lamentin (Martinique) où j’étais élève, les traits singuliers de Charles “ababa”.

Charles était pour moi comme pour tous les autres, un nègre marron. Je revois un homme fort, muet, poil poivre et sel, tignasse et barbe longue, vêtu de haillons. Charles vivait dans les champs de cannes qui entouraient l’école, ou plutôt dans ce qui ressemblait à un trou, une tanière sous les feuilles. Il avait toujours avec lui un grand sac de jute rempli de quelque chose de volumineux, sac où l’opinion générale affirmait qu’il enfermait les enfants qu’il enlevait pour les manger.

Nous n’aimions pas Charles. Et dans la cour, nous hurlions quand il rôdait aux environs. Je me souviens du jour où les grands de Fin-d’études affirmaient l’avoir lapidé sous la canne. Charles, disaient-ils, quand une bonne roche percutait ses côtes, grognait comme un verrat.

Plus tard, ayant eu accès aux ouvrages de nos maîtres qui exaltaient la figure d’un marron héroïque et fier, j’eus (dois-je l’avouer?) quelque difficulté à pénétrer le concept.

Réflexion faite, Charles n’était qu’un marginal. Un de ces asociaux laissés pour compte d’une société d’habitation moribonde, que l’on qualifierait aujourd’hui de SDF ou de débile léger. Plus curieuse est la défroque du nègre marron qu’on lui avait fait endosser. Et c’est peut-être à la recherche de son curriculum que je me suis lancé au travers de ces quelques notes.

Les Caraïbes sont-ils des marrons?

Version première

Parmi les mythes, contes, dires, fables, songes, rêveries ou histoires recueillis par les chroniqueurs des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles traitant de l’origine des Caraïbes et du pourquoi de leur venue aux Petites Antilles, de nombreux discours affirment l’origine “marronne” des Kalinago ou Caraïbes insulaires.

Une première version que nous qualifierons de “savante”, car issue principalement des supputations des chroniqueurs européens, en fait des rebelles ou des réfugiés fuyant l’esclavage et le régime des encomiendas imposés par les Espagnols à l’issue de la conquête des Grandes Antilles et d’une partie du continent sud-américain.

La plus ancienne de ces versions, celle d’Oviedo (1478-1557), affirme que les Petites Antilles sont habitées par des Indiens rebelles ayant fui la conquête espagnole.

 

No son habitadas de los cristianos, y en todas ellas no hay cantidad de indios, sino pocos e de los alzados e huidos y a ellas acogidos de temor de los cristianos.1

Ecrite avant la colonisation par un flibustier français ayant passé d’avril 1619 à février 1620 près de dix mois avec les Caraïbes, la relation de L’anonyme de Carpentras réitère les mêmes propos, tout en assignant aux autochtones une origine sud-américaine.

 

Nos indiens sont descendus de ceux qui s’étaient enfuis du Pérou (Amérique du sud), lorsque l’Espagnol commença de l’habiter, ainsi que marquent les histoires qui leur faisaient souffrir mille sortes de supplices. Ceux ci vinrent se réfugier dans ces îles qu’ils habitent à présent.2

D’autres auteurs comme le Révérend Père Pacifique de Provins (+1653) leur supposent une origine aussi bien continentale qu’insulaire:

 

La Dominique n’est habitée que de sauvages ramassés, lesquels ayant été chassés par les chrétiens, tant de la terre ferme que des îles voisines qu’on leur a ôtées.3

Le Révérend Père Jean-Baptiste du Tertre (1610-1687), dans la première version de son Histoire générale des Antilles, publiée en 1654 et intitulée Histoire générale des isles de St. Christophe, de la Guadeloupe, de la Martinique et autres dans l’Amérique, fait des Caraïbes des réfugiés, survivants de la conquête espagnole des Grandes Antilles.

Critiquée par César de Rochefort, cette hypothèse sera revue par du Tertre, qui se ralliera, dans la seconde édition de son Histoire générale publiée en 1667, aux affirmations des Caraïbes de la Dominique transcrites et développées par le R. P. Raymond Breton (1609-1679), mettant ainsi (pour quelques siècles) un terme aux supputations “savantes” affirmant l’origine historique ou post-colombienne desdits Caraïbes insulaires:

 

D’autres disent par une simple conjecture que ces sauvages sont originaires des grandes Iles, & qu’il n’y a pas bien longtemps qu’ils habitent les Antilles, n’étant que des refugiez, des restes, & des parcelles de débris: en un mot des réchappez des horribles massacres que firent les Espagnols lors qu’ils s’emparèrent de Saint Domingue, Cuba, Jamaïque, & Porto-Rico. Mais la vérité de l’Histoire nous témoigne, que, dès le commencement de la découverte de l’Amérique, les Antilles étoient occupées & peuplées par les Caraïbes. Et que d’abord ils furent surpris & mal-traitez par les Espagnols. Mais que puis après les Espagnols étant vivement repoussez, & ressentans beaucoup d’incommoditez de cette guerre, firent une espèce d’accord avec quelques uns d’entre eus.4

Il est vrai que j’avais dit un peu trop superficiellement dans la première édition de cette histoire, sur le rapport de M. de l’Olive, du sieur de la Ramée (gouverneur et colon de Guadeloupe) et des habitants de nos îles, que les sauvages qui les habitaient avant nous étaient les survivants des massacres des Espagnols dans les îles de Cuba, Hispaniola et San Juan de Porto Rico.5

Version seconde

Outre cette version européenne, d’autres dires, indigènes cette fois, recueillis principalement auprès des Kalinago de Saint-Vincent, tout en signifiant leur origine précolombienne et sud-américaine, insistent également sur l’oppression dont ils auraient souffert, cause de leur fuite vers les îles et de leur installation aux Petites Antilles.

La première de cette seconde version, rapportée par Rochefort à partir du manuscrit (inédit et introuvable) d’un certain Monsieur du Montel rédigé au milieu du XVIIe siècle, désigne nommément les Arawaks comme étant les oppresseurs:

 

Voicy ce que ceus de Saint-Vincent & quelques autres en ont récité à Monsieur du Montel, & qu’il nous a fait voir dans ses mémoires curieus. Tous les Caraïbes étoient autrefois assujetis aus Arouâgues & obeissoient à leur Prince. Mais une partie d’entr’eus ne pouvant plus supporter ce joug-là, se rebellèrent. Et afin de pouvoir vivre en repos, éloignez de leurs ennemis, ils se retirèrent aus Antilles, qui étoient alors inhabitées, & abordèrent premièrement en l’île de Tabago, qui est l’une des plus proches du Continent. Depuis les autres Calibites secouërent aussi la domination des Aroüagues, mais se trouvant assez forts, ils demeurèrent en leur païs. C’est sur ce récit là même que l’on fonde, & par ce détail que l’on explique le nom de Caraïbes, comme s’il signifioit Rebelles, soit qu’il ait esté imposé à nos Antillois par les Aroüagues, soit que ces peuples l’ayent pris eus mêmes pour leur servir d’une espèce de trofée, tirant gloire de leur noble soulèvement, & de leur généreuse rébellion, qui les a mis en paix & en liberté.6

D’autres auteurs, tout en réaffirmant les mêmes dires, restent vagues quant à l’identité des oppresseurs:

 

Le mot de karaybe en luy-même dans la langue du pays signifie vaillant, courageux; aussy, disent-ils que c’est par leur valeur, par leur courage qu’ils se sont affranchis de la puissance de leurs ennemis, qu’ils ont secoué le joug de la servitude et se sont par leur valeur rétablis dans leur première liberté, enfin que c’est à force ouverte qu’ils ont gagné l’isle de St-Vincent, et ont mieux aimé venir habiter cette isle quoyque déserte, que de demeurer dans un pays ou l’on vouloit leur ravir un titre si précieux.7

Il ne doit pas du tout paraître étonnant que cette appellation de Caraïbes ait la résonance évocatrice de courageux et vaillants guerriers: ils racontent, bien sûr, que leurs ancêtres, hommes d’une grandeur d’âme vraiment remarquable, s’étant lassés de la pesante servitude imposée par leurs ennemis, en secouèrent le joug, et portèrent les armes précisément contre leurs ennemis avec un tel bonheur qu’ils recouvrèrent enfin leur liberté de jadis. De là leur échut un surnom si illustre.8

Le Père Adrien Le Breton (1662-1736), auteur de cette relation, considérant la philosophie politique des guerriers insulaires, n’hésite pas à avancer l’idée que l’oppression initialement subie par les Caraïbes aurait généré chez ces derniers une haine de toute soumission et de toute obéissance. Cette haine génésiaque et éthique s’instituant à l’encontre de tout pouvoir autoritaire aurait déterminé selon lui le type de société, “libertaire et égalitaire”, adopté par les insulaires.

 

Peut-être dès les premiers débuts de la société qui s’instituait, ils furent saisis d’une telle haine je ne dis pas de la servitude, mais de n’importe quel pouvoir, d’une autorité supérieure, ou de l’obéissance, que même le nom leur en est insupportable. Donc être subordonné à quelqu’un et obéir à un ordre sont, à leurs yeux, de la dernière indignité. D’où la valeur, aujourd’hui encore parmi eux, de cette liberté sous toutes ses formes. Tous également égaux, ils n’admettent aucun homme de premier rang, aucun chef ou magistrat.9

Conséquence d’un premier âge d’oppression, cette haine primitive et déterminante a son application directe: la vengeance cannibale10 s’exerçant à l’encontre des anciens oppresseurs et développant une “vendetta ethnique” réitérée au long des siècles.

 

Je ne nierai pas qu’il exerce parfois sur ses ennemis la plus cruelle torture et quelquefois mange en public des membres humains rôtis, mais je soutiens qu’il ne tombe dans ce dérèglement mental, ou cette folie, que pour se venger, par une sorte de châtiment tout à fait semblable, de ce dont ils ont été antérieurement victimes.11

Le sujet de l’inimitié immortelle de nos Caraïbes insulaires contre ces Peuples, à savoir que ces Aroüagues ont cruellement persécuté les Caraïbes du Continent leurs voisins, confrères de nos insulaires, & de la même nation qu’eus.12

Toujours recommencée et théâtralisée lors des ouycou ou fêtes de boisson, l’oppression primordiale, crime de lèse-ancêtres subi ab origine, y est sans cesse réactualisée en une curieuse anamnèse. Effaçant le temps chronologique, le discours des vieilles en charge du (mauvais) souvenir, réitère les temps primordiaux, redit la haine et la valeur apodictique de la vengeance. Et quelque chose existe qui traverse les siècles et les fables; quelque chose de sacré, de transhistorique, fixe, durable et qui ne dit pas seulement la colère des “vrais hommes”.

Fin du discours d’une vieille:

 

Et enfin, elle conclud, que ce seroit à leur nation une lâcheté honteuse & insupportable, s’ils ne prenoient la vengeance de tous ces maus, imitant la génération de leurs prédécesseurs, braves Caraïbes, qui n’ont rien eu en plus grande recommandation que de tirer raison des injures qu’ils avoient recuës: Et qui après avoir secoué le joug que les Tyrans leur vouloient imposer pour asservir leur ancienne liberté, ont porté tant de fois leurs armes victorieuses dans les terres de leurs ennemis, qu’ils ont poursuivis avec la flèche & le feu jusques sur leurs hautes montagnes, les ayant contraints de se retirer dans le creus le plus profond des abymes.13

S’écartant de prime abord du discours classique qui assignait aux Caraïbes-Kalinago soit une origine antillaise, soit une origine sud-américaine, César de Rochefort avance à son tour une singulière hypothèse désignant l’Amérique du nord comme lieu d’origine des aborigènes des Petites Antilles, hypothèse qu’il dit tenir de:

 

L’obligeante communication que nous en a donnée Monsieur Bristok, gentil-homme Anglois, l’un des plus curieus hommes du Monde, & qui entre ses autres riches connoissances, parle en perfection la langue des Virginiens & des Floridiens.14

Nous la résumerons ainsi: les Caraïbes sont issus des Cofachites qui s’installèrent sur le territoire des Apalachites situé aux environs de l’actuelle Floride. Après guerres et trêves, ils sont sommés par ces derniers de reconnaître la souveraineté de leur roi et de se convertir au culte du dieu-soleil. D’un avis divergent sur la question, les Caraïbes se scindent en deux groupes dont l’un, allié aux Apalachites, s’oppose à la majorité qui refuse de se soumettre. Après heurts et guerre civile, les Apalachites et leurs alliés forcent les rebelles à quitter leur pays. Expulsés de leurs terres, ces derniers se dirigent vers la mer où ils rencontrent deux embarcations bahaméennes dont les occupants, chassés là par des vents contraires, leur racontent la magnificence des îles désertes situées au midi de leur archipel. Charmés par le discours des insulaires et contraints de se trouver un nouveau lieu de résidence, les Caraïbes guidés par les Bahaméens ou Lucaïquois, traversent en pirogues les Grandes Antilles et s’installent à Sainte-Croix; île à partir de laquelle ils coloniseront toutes les Petites Antilles puis quelques provinces du continent sud-américain.

L’existence d’un modèle exemplaire n’entrave pas la démarche créatrice. Le modèle mythique dit Eliade “est susceptible d’applications illimitées”.15

Le Père Labat (1663-1738), au fait des écrits de ces prédécesseurs, semble faire sienne l’hypothèse énoncée par Rochefort:

 

Les auteurs qui ont parlé de leur origine, croyent qu’ils viennent de la Floride, et que c’est le hazard qui les a portez aux petites isles, ou que se trouvant trop, pressez dans leur païs, ou trop vivement poursuivis par leurs ennemis, ils ont été obligez de quitter leur païs natal, et d’aller chercher de nouvelles terres pour s’établir.16

Ici encore, exception faite d’un lieu d’origine que l’on pourrait qualifier de “flottant”, émerge un patron récurrent: les Caraïbes sont des immigrés fuyant la domination, l’oppression, l’imposition d’un arbitraire.

S’agissant des habitants des Grandes Antilles dénommés aujourd'hui Taino, Taino-Arawaks ou Arawak-Insulaires, Pierre Martyr d’Angleria (1456-1526), au 7e livre de sa 3e décade17 rédigée entre 1514 et 1516, se fait l’écho d’une tradition parallèle à celle du corpus classique rapporté par Frère Roman Pane18, premier ethnographe du nouveau monde. Selon ces dires, les premiers habitants, “immigrants” en provenance de Matinino, arrivèrent à Hispaniola après avoir été “expulsés de leur patrie par les partisans de la faction contraire. Exilés de leurs propres terres, ceux de Matinino fixèrent leur résidence dans la partie de l’Espagnole nommée Cahonao”, sur une île située à l’embouchure du fleuve Bahaboni, sur laquelle ils édifièrent une maison appelée “Camoteia”, dès lors consacrée et vénérée par leurs descendants comme “Jérusalem par nous-autres” ou “la Mecque par les mahométans”.

Les écrits de Pierre Martyr, repris par André Thévet dans son Grand insulaire et pilotage, seront ainsi retranscrits:

 

Les premiers donc qui vindrent habiter ceste isle sortirent de l’isle de Matitina, non gueres esloignée de Haity, vaincus par les partisans de la lignée qui estant victorieuse, demeura aussy dame maîtresse de Matitinà (régie par la quenouïlle, d’autant plus que là non plus qu’à stalimene on veut que les masles n’y hantent point) et les autres furent forçés se retirer en nostre isle qui auprès de Matitinà semblait estre un monde entier, à cause de sa grandeur, et pour ce l’appeloient-ils Quisqueia qui signifie le tout, estimans par ce qu’il ne pouvoient si tôst voir son bord, fin et limites, que ce fut tout le continent du monde et que Matitina ne fut qu’une parcelle et eschantillon du fotage de quisquéia.19

L’île de Matinino, île aux femmes ou île sans père(s) (ma: sans; inin: père(s)), est connue dans la mythologie taïno pour être le lieu où avaient été conduites les femmes et les petites filles enlevées par le héros culturel Guahayona. Entre 1493 et 1502, le nom de cette île mythique fut utilisé par les marins puis les cartographes espagnols pour désigner l’île des Petites Antilles située entre la Dominique et Sainte Lucie, aujourd'hui connue sous le vocable de Martinique20. L’un des intérêts de ce mythème consiste en ce qu’à l’instar des mythes Kalinago et contrairement au corpus recueilli par Pane, il confère aux premiers habitants d’Hispaniola une origine exogène et présuppose, comme préalable à leur expulsion, leur exil ou leur immigration, une oppression, une domination inacceptée.

La tradition des Caraïbes Noirs n’est pas exempte de ce schéma récurrent. Esclaves noirs enlevés aux Espagnols, rescapés de négriers naufragés ou marrons fuyant les plantations des îles voisines de Saint-Vincent, ils auraient été recueillis par les Caraïbes “rouges” et puis à nouveau réduits à la servitude par ces derniers. Quelques décennies plus tard, suite à leur fort accroissement numérique, ils se seraient (d’une façon ou d’une autre) séparés des Caraïbes “rouges” puis auraient constitué à la Capesterre de l’île, des établissements autonomes de ceux de leurs anciens “maîtres”.

Sir William Young21, qui fut gouverneur de l’île, affirme que les “rouges”, une fois conscients qu’ils allaient être débordés par le nombre croissant de leurs esclaves, décidèrent de tuer tous leurs enfants mâles. Le commencement d’exécution de cette barbarie aurait selon lui déterminé une révolte des “noirs” qui, vainqueurs, auraient exterminé une partie de leurs anciens maîtres et se seraient approprié leurs femmes et leurs filles pour s’établir ensuite dans le nord-est de l’île.

Rapprochant les assertions de Young et les écrits des missionnaires français du XVIIe siècle, C. M. J. R. Gullick conclut à la répétition par les Caraïbes Noirs du mythème ici étudié et propre à la mythologie Kalinago:

 

Young was repeating a Carib tradition about the events which may thus have been propaganda. As this tale is anti-island carib in tone it was probably told by black caribs, which is what Young claimed, and as it has an Island Carib structure this suggests that the Black Caribs had at least taken over Island Carib tale forms.22

Inibi, Igniri, Igneri, Iniri

Si l’on écarte les dires des Kalinago de Saint-Vincent, qui affirment avoir à leur arrivée trouvé les îles désertes, et si l’on examine ceux des indigènes se trouvant plus au nord de l’arc antillais, à savoir ceux de la Guadeloupe, de la Dominique et de la Martinique, il en est tout autrement. La plus ancienne des chroniques aujourd’hui disponible campe d’emblée les axes généraux de notre problématique.

 

Nos indiens sont descendus de ceux qui s’étaient enfuis du Pérou, lorsque l’Espagnol commença de l’habiter, ainsi que marquent les histoires, qui leur faisaient souffrir mille sortes de supplices. Ceux-ci vinrent se réfugier dans ces îles qu’ils habitent à présent, où ils trouvèrent d’autres sortes de sauvages qui se voulaient opposer à eux et les empêcher d’y mettre pied à terre, y furent tués pour la plus grande part, et le reste des échappés s’enfuit dans les plus hautes montagnes où ils sont encore quelques-uns à présent, et descendent parfois la nuit, et viennent jusques dans leurs cabanes où ils emportent et dérobent promptement ce qu’ils peuvent, et souvent de petits enfants. Nos indiens les nomment “inibis” et disent qu’ils sont comme des géants, portant leurs cheveux de beaucoup plus longs qu’eux, et qu’ils courent plus vite qu’un pigouli (agouti, Dasyprocta aguti), qui est un animal qui est fort leste. Il y avait quatre soldats du Languedoc nommés Saint-Cernin, Peutane, Labergère et Dalmeras, qui, s’étant retirés de l’habitation des sauvages pour être plus libres, allèrent demeurer dans un antre où il y avait un rocher qui était creusé comme une chambre. Mais un soir entre les autres, ayant mis leur linge à sécher, le lendemain n’y trouvant rien, de quoi s’étant plaint à leur hôte croyant qu’ils les leur eussent pris la nuit, leur dirent que c’était les “inibis”. Quelques nuits après ils en aperçurent un qui, incontinent, s’enfuit (et ils me l’ont décrit grand comme un géant), qui fut la cause que, craignant qu’ils ne vinssent en plus grand nombre pour les enlever et manger, ils se remirent à la maison de leur hôte.23

Ainsi donc, et pour résumer les propos de l’Anonyme, les Caraïbes trouvèrent à leur arrivée les îles peuplées de gens qui s’opposèrent à leur venue. Alors que la majorité de ces gens fut tués lors de la conquête de ces îles, une partie se serait enfuie dans les montagnes où ils seraient encore (1620) et d’où ils descendraient la nuit dérober dans les cases. Décrits comme des géants à la pilosité abondante (cheveux très longs), se déplaçant très rapidement, ils ont une prédilection pour les enfants qu’ils enlèvent. Anthropophages, ils sont dénommés inibis.

Deux décennies plus tard, Guillaume Coppier (1606-1674), ancien engagé de Saint-Christophe, témoin des premières années de colonisation des îles du nord, rapporte des propos similaires, s’agissant de l’île de Saba. Il y est question non plus d’inibis mais d’igniris, “secte” d’indiens idolâtres, troglodytes et barbus, vivants comme des bêtes:

 

Il y a là (Saba) une secte de sauvages, qu’on appelle les Igniris ils vont le corps tout entièrement nud, & portent barbe; ce qui est contraire à tous indois, se l’arrachant à mesure qu’elle vient; ils sont idolâtres, leur retraicte est dans les grotesques lieux de cette isle, vivant comme des bestes bruttes.24

Pour le Père Hallay (1596-1659), les iniris sont des barbus, anciens habitants des îles venus, contrairement aux Caraïbes, du nord de l’arc antillais.

 

Ils sont venus de la Terre ferme d’un peuple nommé les Galibis, ou Galiponis, ont exterminé les anciens habitants des îles, només les Iniris, sauvages barbus et qui sans doute venaient du Septentrion.25

La documentation laissée par le Père Raymond Breton (1609-1679), premier ethnographe et ethnolinguiste des Petites Antilles, cumulant près de 5 ans de travaux “sur le terrain” parmi les Caraïbes de la Dominique, comporte de nombreux indices sur l’identité de nos marrons proto-historiques: blancs, barbus, ils attaquent les villages indigènes et sont en retour mangés par les Caraïbes quand ces derniers les capturent.

 

C’est la croyance de plusieurs François qu’il y avoit d’autres habitans dans ces îles devant les Karaïbes desquelles ils ont été chassés. Et sont fondés sur ce que (et il est certain mesme au dire des sauvages) il y a encor dans quelques iles de ces gens là qui se sont retirés dans les montagnes, qui sont blancs comme les François et portent la barbe longue. Monsieur d’Esnambuc, gouverneur de Sainct-Christophle asseura le P. Raymond qu’il y en avoit à Saint Christophle. Les Karaïbes asseurent qu’il y en à a la Guadelouppe et qu’ils sont au dessus de la Grande Rivière à Goyave et à la Grande Terre. Et il est asseuré qu’il y en a à la Dominique car ils en voyent souvent. Lorsque le P. Raymond fut la première fois à la Dominique en 1642, les sauvages avoient surpris un homme, une femme et une fille de ceux-là. Ils tuèrent et mangèrent l’homme, et firent esclaves la femme et la fille. Et l’année passée (1646), le jour mesme qu’il y arriva, ces Montagnets-là estoient descendus, avoient bruslé une case et emporté quelques meubles.26

Alors que le flibustier anonyme affirmait que les inibis étaient des rescapés de la conquête des îles par les Kalinago, affirmation qu’il semblait tenir des indigènes, le Père R. Breton en fait “croyance de plusieurs français”, bien qu’il transparaisse que cette opinion soit commune aussi bien aux Européens (de Saint-Cristophe et de la Guadeloupe) qu’aux indigènes de la Dominique et de la Martinique. Curieusement, le Père Breton, (le plus grand) spécialiste de la langue de ceux qu’il nomme lui même “Caraïbes insulaires” pour y avoir consacré deux dictionnaires, une grammaire et un catéchisme, évite dans ses écrits de nommer “ceux qui sont retirés dans la montagne”, “ces montagnets-là” On ne trouve par ailleurs en aucun de ses dictionnaires d’entrée correspondante aux termes inibi, igniri ou igneri. Cette impression d’évitement, sinon d’éviction, se renforce quand s’agissant du peuplement des îles il affirme que “nos Karaïbes disent par une tradition certaine parmy eux qu’ils sont les premiers habitants des îles” Dans une copie de cette relation, connue sous le nom de Relation Parisienne27, il corrige: “qu’ils ont tué les Alouagues premiers habitants des îles”; sous entendu: qu’ils ont tué (tous) les Alouagues28. Cette opération contradictoire n’a pour but, à notre sens, que d’occulter l’ambiguïté inibis-igniris en opérant une réduction du champ sémantique et symbolique balayé par ces termes. Elle n’est en fait réalisée que pour mieux rendre crédible, comme vérité unique l’affirmation suivante: “ceux qui sont dans les Montagnes sont de leurs esclaves qui s’en sont fuïs dans les montagnes et y ont peuplé”29. Le seul moyen en effet de supprimer toute possibilité de survivance de ressortissants de populations pré ou proto-caraïbes étant d’affirmer soit qu’elles n’existaient pas (îles désertes) soit qu’elles avaient été complètement éliminées.

Quelques années plus tard, Mathias du Puis (1590-1655)30, puis le Père du Tertre (1610-1687) reprendront les écrits du Père Breton tout en y ajoutant quelques précisions. On y réapprendra que la croyance aux inibis-igniris devenus igneris était bien commune aux indigènes et aux colons, mais que leur présence s’avère fantomatique; que les montagnards dominiquais “prétendus igneris” sont cannibales mais également écorcheurs31; que ce sont des esclaves fugitifs, anciens prisonniers de guerre et qu’ils sont en fait appelés Allouagues.

 

Dans les débuts où l’île de la Guadeloupe fut habitée, le bruit courait parmi les sauvages et les vieux habitants français qu’outre les sauvages, qui était les maîtres des îles, il y avait encore dans les montagnes quelques Igneris qui étaient les survivants des premiers habitants que les Galibis avaient massacrés. iIs en tuaient quelquefois furtivement et leur faisaient beaucoup de tort, mais nos chasseurs, qui à cette époque traversèrent l’île de toutes parts, n’en ont jamais rencontré. On disait de plus que peu de temps avant le premier voyage du R P Raymond chez les sauvages (1642), ces prétendus igneris avaient surpris une petite négresse esclave, et après l’avoir écorchée, avaient revêtu un arbre de sa peau: cette cruauté inhumaine ayant mis nos sauvages hors d’eux-mêmes, ils s’étaient assemblés en même temps, et en grimpant sur des rochers inaccessibles, ils étaient arrivés à une case qu’ils avaient prise aussitôt. Les assiégés qui n’étaient qu’un homme une femme et un petit enfant, après quelques faibles résistances furent faits prisonniers: le mari avait été rôti et mangé, la femme faite esclave avec son enfant. Cinq ans après, ce même père, y étant retourné, apprit qu’il y avait eu une offensive de ces montagnards qui avaient mis le feu dans quelques cases de leurs ennemis, et qu’après s’être chargés du butin, ils avaient fait leur retraite dans leurs habitations. Cette nouvelle attaque amena ce père à demander à nos sauvages s’ils croyaient que ces gens qui les attaquaient étaient encore de véritables Igneris: ils répondirent que non et que ceux qui vivaient dans leurs montagnes étaient des esclaves fugitifs, appelés Allouagues, qu’ils avaient pris pendant la guerre. Ces derniers, redoutant une servitude honteuse et craignant d’être mangés, avaient gagné les bois et les montagnes où ils s’étaient multipliés parce qu’ils avaient leurs femmes.32

Acteur du siècle du rationalisme balbutiant33, Breton semble mettre à mort l’ignéri, mythique et monstrueux (non pas parce que cannibale mais parce que géant-rapide-comme-un-agouti). A l’insaisissable survivant de la conquête kalinago, il substitue les figures rationnelles de l’Arawak fondamental, de l’Arawak ennemi et de l’Arawak marron.

Dans ses écrits qui sont autant d’efforts de clarification et d’ordonnancement du discours indigène, l’Arawak se substituant à l’inibi-ignéri34 occupe désormais les cases de toutes les inimitiés possibles: ennemi séculaire; premier habitant; ennemi intérieur (intra-insulaire): le marron; ennemi extérieur: objet des raids en Terre Ferme.

Dans ses dictionnaires Caraïbe-François et François-Caraïbe35, Breton désigne par toüalicha36, le marron ou le fuyard, ainsi que par le terme ànourouti37 employé par les femmes et tiré d’anoura: fuir38.

Les deux termes sont utilisés pour désigner l’esclave noir marron39, de même que celui de toüalicha est utilisé en temps que synonyme d’Arrouague ou d’Arawak40.

Le terme ignéri ou iniri désignant “les anciens habitants de l’île”, continuera à être employé par la plupart des contemporains du Père Breton, comme les Pères Pelleprat (1609-1667) et du Tertre.

 

Les Galibis; faisant la guerre, il y a plusieurs siècles, aux Igneri, anciens habitans des isles.41

Les igneris, les naturels du pays; les dieux des igneris qu’ils avaient massacrés.42

Constantine S. Rafinesque (1783-1840)43 puis Brasseur de Beaubourg44, qui travaillèrent sur les écrits de Breton et de du Tertre, furent les premiers à désigner sous le vocable d’ignéri les habitants ainsi que la langue parlée aux Petites Antilles avant l’arrivée des Kalinago.

Daniel G. Brinton45, identifiant la langue des igneri comme étant de “l’arawack insulaire” (Island Arawack), Loven46 fit dériver le terme ignéri de l’Arawak éyéri: homme. Loven, identifiant les igneri comme étant “les Arawaks pré-caraïbes des Petites Antilles et les pré-taïnos des îles Vierges”, appliquera le terme à la céramique trouvée aux Petites Antilles, qu’il estimera antérieure à l’arrivée des Caraïbes. Il y distinguera deux périodes qu’il nommera: ignéri archaïque et ignéri tardive.

Dans une autre acception, le terme fut également utilisé pour désigner le parler des femmes caraïbes et par extension la langue parlée à Porto Rico du fait que nombre de femmes caraïbes provenaient d’enlèvements pratiqués dans cette île.47

Depuis les travaux de Brinton et de Loven, les termes igniri, ygnéri, ignéry ou iniri ont été rapprochés d’eyéri, signifiant dans le lexique féminin du Caraïbe insulaire, “homme”.48

Cependant, le flibustier anonyme nous révèle qu’inibi est un générique qui, quoique désignant une autre catégorie d’insulaires (réels ou mythiques), pouvait également désigner tout autre groupe ennemi extérieur et être de même appliqué aussi bien au bois qu’à la pierre.

 

Nous ne savons s’ils sont de la race de ceux auxquels ils vont faire la guerre au Pérou, qu’ils nomment aussi inibis, ou si c’est par haine qu’ils les nomment comme leurs ennemis, car quand ils veulent bien injurier quelqu’un ou quoi que ce soit, fut-il bois ou pierre ils le nomment inibis.49

S’il s’agit ici d’un dépréciatif voire d’une injure, cette acception du terme s’adapte fort mal à la définition d’homme qui lui est supposée par tous les linguistes. Il est en effet assez peu crédible qu’une société que l’on dit par ailleurs fortement ethnocentrée50, désigne par homme ses ennemis proches comme lointains; ces “bestes bruttes”. Elle réserve, comme la plupart des sociétés dites “primitives”, à ses seuls membres le nom de Kalinago: hommes, gens, êtres humains51. Ieri ou ineri, signifiant par ailleurs mari, époux, fils, renard, chien, opossum ou manicou52, de plus amples recherches s’avèrent nécessaires afin d’en saisir tous les possibles signifiés.

Vien-Vien, Bien-Bien

Au huitième livre de sa troisième décade rédigée entre 1514 et 1516, Pierre Martyr d’Angleria se fait l’écho de croyances qui, une vingtaine d’années après la “découverte”, semblent déjà fortement partagées par les premiers colons de l’Espagnole.

Dans l’extrême occident de l’île, résident des hommes, troglodytes et vagabonds qui, ne disposant d’aucun langage déterminé et ne pratiquant aucune agriculture, se nourrissent de fruits sauvages et fuient toutes accointances avec les humains. Si on les aperçoit de temps à autre, on n’en a jamais pu capturer aucun spécimen car, remarquant une quelconque présence humaine, ils s’enfuient avec la “vélocité d’un cerf”, “plus rapides que lévriers”.

Et Pierre Martyr de continuer en affirmant qu’en septembre 1514, un de ces hommes sans langage, sortant subitement du couvert des arbres, enleva le fils d’une native et d’un Espagnol dont la propriété avoisinait les grands bois. Poursuivi sans succès par ce dernier et par les indigènes, l’Homo selvaticus finira par abandonner l’enfant qui sera retrouvé dans une croisée, au grand soulagement de son père qui “pensant que le vagabond était de la lignée des cannibales, pleurait son fils comme déjà dévoré”.53

Quelques années plus tard (1522), Mgr Alessandro Geraldini (1455-1524), évêque de Saint-Domingue, rapportera des dires similaires: Au lointain septentrion de l’île, sur une haute et inaccessible montagne, vivent des “hommes sauvages” qui, exceptés le visage, les mains, les genoux et les pieds, ont le corps couvert de longs poils. Refusant tout contact avec les hommes, ils descendent quelquefois vers la plaine et si chemin faisant aperçoivent quelque humain, “se retirent à la montagne avec une telle vélocité qu’aucun cheval ne pourrait les devancer”.54

Oviedo (1478-1557) dans son Historia General55, se référant aux habitants de la province de Guacayarima, nous entretient de sauvages troglodytes, “plus sauvages que ce qui jusqu’à ce jour s’est vu aux Indes”, vivants de collecte et pratiquant union libre et communisme primitif. Les mêmes dires seront également répercutés par Francisco Lopez de Gomara56.

A la fin du XIXe siècle, plus de 350 ans après, Martyr d’Angleria, le Père Carlos Nouel, dans son Historia eclesiastica, s’autorise une longue digression sur les montagnes du massif du Bahoruco57 et ceux qui y résident.

 

Dans ces montagnes existent toujours ces hommes à demi sauvages, connus sous le nom de Vien-Vien; nom qui leur a été donné parce que c’est leur cri ordinaire; l’unique son articulé qui leur a été entendu. Sans liens avec la société ils vivent nus, retirés là dans les profondeurs de ces forêts. Depuis quelque temps ils ne donnent pas signe de vie, mais c’est parce qu’ils se sont reclus dans ces forêts impénétrables. Auparavant ils descendaient des hauteurs jusqu’aux jardins éloignés des villages pour se pourvoir en vivres et en graines; et plusieurs fois on les a vus durant deux ou trois nuits consécutives, au sommet des montagnes de Paradis; Les Vien-Vien ont une extraordinaire agilité; semblables à des singes, ils grimpent aux rocs et aux falaises avec une rapidité époustouflante. Il y a une sorte de Vien-Vien appelée “Mondongo”58 qui s’adonne à l’anthropophagie. Peu nombreux dit-on, ils se reconnaissent par leur poil de couleur rouge-jaune.59

La croyance aux Vien-Vien, telle quelle nous est narrée par le Père Nouel, persiste dans le folklore dominicain contemporain. Bernardo Vega60 cite l’opinion d’Armando Rodriguez qui fait de Vien-Vien un dérivé du français indienne et un synonyme d’indio alzado o jibaro61. Pour Herkovits62, Vien-Vien signifie esprit. A la recherche, en février 1977, d’anciens campements de nègres marrons du Bahoruco, l’archéologue B. Vega rapporte qu’un de ses guides tenait de sa grand-mère que les Vien-Vien “étaient les descendants des marrons”.63

Las Casas (1474-1566), se présentant comme un témoin oculaire, s’élèvera contre les allusions d’Oviedo, affirmant que rien ne distinguait les habitants de la région de Guacayarima de ceux des autres provinces de l’Espagnole. Il admettra cependant que les grottes, cavernes ou xagüeyes de la région servaient de refuges aux Indiens fuyant les persécutions espagnoles et que l’on doive à ce fait les affirmations d’Oviedo64.

Aucune découverte archéologique n’ayant à ce jour confirmé l’existence de populations historiques pré-agricoles dans la péninsule de Guacayarima, de récentes critiques mettant en doute l’existence réelle de ces populations se basent, entre autres arguments, sur une possible confusion de termes et de lieux.

 

Recent archaelogical investigations support Las Casas observation that the Guaicayarima peninsula was occupied by Tainos at contact. It is possible that Oviedo simply confused the peninsula Guanahacabibe (Cuba) and Guacayarima (Haiti).65

L’hypothèse d’une simple confusion d’Oviedo n’est cependant pas acceptable; d’autres avant lui (Angleria, Geraldini, Gomara) développent des propos identiques.

Ciboneyes, Exbuneyes, Guanahatabeyes, Guanahacabibes

Las Casas, infirmant toute allusion à l’existence de populations “archaïques”, de collecteurs semi-nomades ou troglodytes à l’occident de l’Espagnole, adopte une toute autre position s’agissant de certains ressortissants de l’île de Cuba qu’il nomme Guanatahabeyes et Ciboneyes. L’intérieur de cette île abriterait selon lui des “sauvages” qui, refusant tout contact avec les autres indigènes, ne sortiraient des grottes où ils vivent que pour pêcher. Paraissant avoir échappé au péché originel, pacifiques, nus et “manquant de tout vice”, une partie de ces premiers habitants de l’île nommés Ciboneyes ou Exbuoneyes, aurait été conquise “de gré ou de force”, une cinquantaine d’années avant l’arrivée des Européens, par les ressortissants de l’Espagnole qui les utiliseraient comme “serviteurs et non comme esclaves”66. D’autres, historiens ou conquistadors comme Bernal Diaz67 ou Diego Vélasquez68, semblent confirmer, en partie, les écrits de Las Casas.

A la fin du XIXe et au début du XXe siècle, les pères fondateurs de l’archéologie antillaise commenceront à utiliser les termes de Ciboneyes et de Guahanatabeyes pour désigner les restes a-céramiques de populations pré-agricoles qu’ils commencent alors à exhumer. Le Français Beuchat69 fut le premier à nommer Guacanabibe une des cultures aborigènes de Cuba. Mark Harrington70, mettant en rapport les travaux de Fewkes71, du Cubain Cosculluela72 et les descriptions de Las Casas, donna le nom de Ciboneyes aux auteurs des artefacts de populations non horticoles et pré-céramistes exhumés à Cuba. L’usage du vocable s’est depuis généralisé dans la littérature archéo-anthropologique pour désigner les cultures historiques, proto-agricoles, a-céramiques et pré-taïno de cette île.

L’existence de populations et de cultures antérieures à l’émergence des horticulteurs-potiers rencontrés par Colomb, est aux Antilles un fait archéologique avéré depuis de nombreuses années. L’étude de leurs restes alimentaires, de leurs outils et de leurs artefacts, en fait des chasseurs (quand la faune le permettait) mais surtout des pêcheurs-collecteurs tirant l’essentiel de leur subsistance des ressources que leur offrait leur environnement naturel immédiat et dont ils dépendaient étroitement. Vraisemblablement semi-nomades, il ne leur est reconnu aucun type d’habitat fixe, si ce n’est certaines cavernes ou abris rocheux qui abondent dans les sols calcaires des Grandes Antilles. Vivant en groupes numériquement restreints et sous la houlette d’un supposé patriarche, ils ne maîtrisaient aucune horticulture. Encore dénommés Casimiroïdes, ils semblent vers 4'000 avant J.C. s’installer aux Grandes Antilles en plusieurs vagues provenant de Floride ou du Yucatan et arrêter à Porto Rico leur progression vers le sud. Les Petites Antilles seront vers 2'000 ans avant J.C., occupées progressivement jusqu’à Porto Rico par les Ortiroïdes issus des côtes des Guyanes et du Venezuela. Datée aux environs du 5e siècle avant J.C., la conquête des Antilles par les horticulteurs saladoïdes issus du bassin de l’Orénoque semble s’être faite au détriment des Ortiroïdes qui, ne pouvant faire sérieuse opposition à l’irrésistible progression de ces potiers disposant d’une technologie et d’une organisation sociale beaucoup plus complexe, seront éliminés ou phagocytés par les nouveaux arrivants. La conquête des Grandes Antilles opposant Saladoïdes aux Casimiroïdes, semble s’être déroulée selon des modalités un peu plus complexes.

 

The Casimiroids were not sitting ducks like Ortiroids. They could retreat into the interior of Hispaniola and use it as a base from which to defend their territory. Their surviving thecnology & weapons, for hunting if not for warfare, are superior to those of the Ortiroid Indians, and they may also have been organized into more complex societies. It is not surprising that they were able to halt the advance of the Saladoid peoples at the puerto rican frontier and to fall back to other frontiers when subjected to even greater pressure by the Ostinoid descendants of the Saladoids, thereby continuing to retrain a separate identity.73

Cohabitant sur une même île, plusieurs siècles durant, avec les Saladoïdes puis leurs descendants Ostionoïdes, les pré-céramistes paraissent s’être longtemps heurtés à ces derniers qui semblent peu à peu les intégrer en tant que prisonniers de guerre, serviteurs ou Naboria, à leurs chefferies proto-étatiques en cours de formation. La strate sociale des Naboria composant à l’arrivée des Européens le niveau inférieur de la pyramide sociale des chefferies taïno, celle des serviteurs, “gens du commun”, sorte de “serfs” ou de “plèbe” précolombienne, était dominée et managée par celle des Nitaïnos formée des membres de la famille matrilinéaire du chef ou cacique. Cette strate des Naboria semble être à l’origine composée des ressortissants des cultures précéramiques, puis plus tard, de ceux de chefferies voisines, capturés lors de conflits ethniques, politiques, territoriaux ou frontaliers opposant les divers caciquats.

La question ici posée est celle de la survivance jusqu’à la période historique, plus de 5'000 ans après leur arrivée, de groupes appartenant aux cultures archaïques. La réponse des archéologues est sans appel: “radiocarbon dates do not, at this time, indicate survival until contact”.74

Aucun des auteurs précités n’ayant directement observé les faits rapportés, il est probable que ces informations, comme dans le cas des igneri, proviennent des autochtones eux-mêmes et soient conditionnées à la fois par la mythologie et par l’ethno-histoire indigène. W. Keegan, s’interrogeant sur la réalité de l’existence de ceux qu’il qualifie de “group of semi-mythical cave dwellers”, renvoit aux chimères la taxinomie adoptée par les archéologues.

 

The Las Casas account seems to be at least partially inspired by Taino mythology, in which caves figure prominently. Unlike humans with tails or “Amazons”, the Guanahatabey achieved immortality when archaeologists discovered an aceramic material culture that pre-dated the arrival of the Tainos and associated it with the name Guanahatabey (Ciboney). The weight of the evidence suggests that the Guanahatabey were first a creation of the Spanish and / or Tainos and were later given life by modern investigators eager to add substance to a prehistoric material culture.75

Tamon

 

Il y eut des marrons dès qu’il y eut des esclaves. La liberté n’a point de marrons.
Victor Schoelcher, Des colonies françaises, 1842.

L’existence de captifs et de captives, prisonniers de guerre réduits à l’état d’esclaves ou de serviteurs, est attestée aux Petites Antilles depuis l’irruption de Christophe Colomb dans notre archipel, début novembre 1493. Lors de sa longue escale guadeloupéenne, il recueillera à son bord des captives et quelques adolescents76 manifestement “châtrés” qui, pour la plupart, semblaient vouloir quitter volontairement et avec insistance le sol guadeloupéen. Refusant d’abord de les accueillir pour ne pas se mettre à dos les autochtones qu’il pensait aptes à lui servir de relais lors de prochaines escales sur la route des Grandes Antilles, l’Amiral accepte finalement (et non point seulement pour des raisons philanthropiques) de les recevoir à son bord. Se faisant, il inaugurera une longue série d’évasions de ce type, réalisées plus tard par nombre de captifs d’origine européenne ou africaine qui, lors d’escales de ravitaillement ou d’aiguades, tenteront de rejoindre navires ou flottes espagnoles.

L’observation répétée par maints chroniqueurs de l’existence de captives77 pour la plupart d’origine portoricaine, en Guadeloupe et à Sainte-Croix, pose d’emblée le problème de l’apparente absence de captifs mâles parmi ces derniers. Aucun homme ou captif pourvu de son “membre viril” ne semble de gré rejoindre Colomb et sa flotte. Si l’on sait que la plupart des hommes de la Capesterre de la Guadeloupe proprement dite sont alors partis en expédition guerrière, on peut s’étonner que des captifs n’aient pas cherché, comme leurs homologues féminines, à profiter de l’opportunité de fuite représentée par l’irruption inattendue des 17 navires de l’Amiral. Si la présence de captifs faisant fonction de nageurs ou de pagayeurs est observée lors des raids maritimes opérés sur les villages ennemis, force est de constater que les sociétés caraïbes insulaires ne disposaient, contrairement aux chefferies taino des Grandes Antilles, d’aucun système d’intégration pérenne des prisonniers de guerre. Si les jeunes femmes capturées sont intégrées en tant que concubines ou femmes-esclaves78 des capitaines ou chefs de guerre ayant participé à l’expédition; si leurs enfants nés de père Kalinago sont légitimement intégrés à la société caraïbe, il en va autrement des captifs mâles.

Capturés avant l’âge de la puberté, ils étaient, comme l’assurent plusieurs témoins oculaires de la fin du XVe et du début du XVIe siècle, châtrés ou castrés afin qu’ils ne puissent féconder de filles Kalinago79; qu’ils puissent “engraisser”80 et être rituellement sacrifiés une fois adultes. Capturés à l’âge d’homme et réduits à l’état de tamon ou esclave81, ils pouvaient être à tout moment sacrifiés selon la volonté et les visées socio-politiques de leurs maîtres.

L’intrusion des Européens dans l’espace antillais et les bouleversements socioculturels consécutifs à cette dernière, entraîneront cependant certaines modifications de ce schéma coutumier.

Alors que les expéditions guerrières continueront d’être annuellement reconduites, Il est noté l’abandon précoce de la castration des captifs pré-pubères, ainsi que l’arrivée de prisonniers d’origine européenne et africaine capturés lors de raids sur les établissements coloniaux espagnols de Porto Rico et du littoral vénézuélien. Le sort de ces captifs non amérindiens différait de celui réservé aux esclaves indigènes. Les Kalinago en effet, répugnaient à la consommation de toute chair étrangère ou exogène. Des dires récurrents nous informent de tentatives malheureuses s’étant soldées par la mort des consommateurs, comme de la malignité de la chair du chrétien ou du Blanc. Une partie de cette catégorie de prisonniers était certes assommée après avoir été torturée au cours des fêtes de boisson, mais ils n’étaient jamais consommés, la plupart échappant au sacrifice rituel. Ainsi, à partir de la seconde moitié du XVIe siècle, il est constaté un nombre croissant d’esclaves blancs et noirs parmi les insulaires82. Nombre relativement important qui n’aurait pu être atteint s’ils connaissaient le sort réservé à leurs homologues amérindiens.

Qu’ils puissent échapper à un rituel anthropophagique (couvert) ouvert à tous, signifie que leurs maîtres ou que quelques chefs de guerre se mettent à “capitaliser”, que leurs biens ne sont plus très concrètement “redistribués” dans cette économie coutumière de la vengeance.83

Mais la perspective de finir dans le ventre de son maître n’était pas la seule menace planant sur l’esclave des insulaires.

 

Lorsqu’un indien meurt, tout ce qui lui appartient meurt avec lui; c’est à dire que ses parents et amis mettent dans la fosse et à côté de lui tout ce qui lui servait pendant sa vie. Ses chiens sont aussitôt tués à coups de flèches, de même ses poules; ses abattis, entièrement dévastés. Tel est l’usage qui se pratique chez ce peuple dans la persuasion où il est que chacun a besoin d’emporter dans une autre vie, où il croit apparemment passer, tout ce qu’il possédait dans celle-ci.84

Quando muere el senor se le matan algunos cautivos que vayan en su servicio. que si no fuera por esto ubiera mas cautivos que yndios.85

Quando algun yndio que tiene cautibos se muere le matan algunos de sus cautibos y dizen que los matan para que lo vayan sirbiendo que a no ser por esto ubiera mucho mas cautibos de los que ay.86

Tienen cautivos y que les hacen malos tratamientos y quando fallesçien sus amos los matavan diziendo fuesen a la otra bida a serbirlos.87

Ils tuent aussi quelquefois des esclaves pour accompagner les Mânes de leurs morts, et les aller servir en l’autre monde.88

Quelqu’un meurt, on tue tous ses esclaves pour aller servir leur maître en l’autre monde.89

Ainsi, le sacrifice (rituel) de l’esclave sur la tombe de son maître était la véritable hantise de tous les captifs. Cependant, le début du XVIIe siècle verra encore évoluer la situation des esclaves non amérindiens; particulièrement celle des captifs d’origine africaine qui, selon le flibustier anonyme, semblaient “privilégiés” par rapport aux esclaves indigènes.

 

Et temps a été qu’on les enterrait tous vifs, principalement s’ils étaient de la nation des Innibis qui sont leurs ennemis mortels, car pour les nègres ils les assomment auparavant. Mais à présent les parents du défunt, ayant reconnu quelqu’un qui travaille bien et qui leur agrée, ils font un caouynage (fête de boisson) à dessein de le demander à tous les capitaines afin qu’il ne meurt, remontrant le besoin qu’on en a et disant toutes les perfections qui sont en lui, ce qui lui est librement accordé. Mais cette grâce ne peut être accordée qu’aux Mores (nègres). Il y en a un à la Martinique, qui appartient au capitaine Pilotte, qui a été plusieurs fois racheté de cette façon, aussi il travaille continuellement afin, dit-il, qu’il ne soit assommé, s’abstenant même de manger son saoul pour n’être lâché à sa besogne comme nous ne lui avons souvent oui dire.90

D’une façon générale, et c’est là une des causes principales du marronage précolonial aux Petites Antilles, l’esclave n’attend pas les cérémonies funéraires en l’honneur de son maître durant lesquelles il doit être sacrifié, mais s’enfuit bien avant. Il ne semble pas qu’il y ait de poursuites opérées à son encontre par les Kalinago.

 

S’il y avait des esclaves qui ne se soient pas enfuis, comme il arrive d’ordinaire, on les égorge sur la fosse.91

Ils tuent aussi quelquefois des esclaves pour accompagner les Mânes de leurs morts, & les aller servir en l’autre monde. Mais ces pauvres misérables, gagnent au pied quand leur maistre meurt, et se sauvent en quelque autre île; nos Caraïbes se contentent en ces rencontres (cérémonies funéraires), de tuer les esclaves du défunt, s’ils les peuvent attraper.92

Si le défunt a des esclaves, ses parents les tuent, s’ils n’usent pas de précaution et ne se protègent pas en fuyant, car on ne les poursuit pas.93

S’il a un nègre ils le tuent s’il ne gagne au pied, afin qu’il aille servir son maître en l’autre monde.94

Retirés “dans les montagnes”, les marrons-igneris fugitifs “par terre”95, semblent occuper les mêmes lieux que choisiront quelques décennies plus tard, comme sièges de leurs “camps”, les marrons coloniaux. Quand Breton rapporte que “les Karaïbes asseurent qu’il y en à la Guadelouppe et qu’ils sont au-dessus de la Grande Rivière à Goyave”, il désigne la région dite des Deux Mamelles où de nombreux rapports localiseront aux XVIIIe et XIXe siècle les camps de deux des plus importantes communautés marronnes de Guadeloupe, ceux des Kellers et des quasi-mythiques Mondongs96.

Breton, dans sa description des “montagnets”, laisse transparaître un trait intéressant de la phénotypie de ces derniers: ils sont blancs.

 

Ces gens-là qui se sont retirés dans les montagnes, qui sont blancs comme les François et portent la barbe longue; nos Karaïbes disent que s’ils sont blancs ce peut estre à cause du froid.97

Si nous examinons la période à laquelle Le Breton écrit sa relation (1647), soit moins un peu plus de dix ans après la colonisation des îles, il n’est pas rare de trouver des Blancs marrons. Arrivés le 1er septembre 1646 en Martinique, Maurile de Saint-Michel, tout en y notant l’utilisation du terme par les colons, “nos français y avaient déjà quelques vaches et pourceaux qui y devinrent a demy sauvages, ou comme ils disent marôs” (fol. 75), fera dans sa relation concernant ceux qui sont alors nommés engagés ou 36 mois, l’observation suivante:

 

Il y a icy de nos français qui deviennent sauvages, se cachent dans les bois, vivants des fruits d’iceux, et comme des hiboux et des oyseaux nuictiers, n’en sortent que la nuict pour aller picorer; je scay quelques uns de nos passagers, qui ont plustost choisy cette vie, que de supporter les peines des pauvres serviteurs, et de vivre privément avec ceux qui avaient payé leur passage.9

Les causes de ce marronage nous semblent circonscrites dans cet extrait de Du Tertre:

 

On ne les poussait au travail qu’à coups de bâton et de hallebarde, au point que quelques uns qui avaient été captifs en Barbarie maudissaient l’heure où ils étaient sortis, invoquant publiquement le diable et se donnant à lui pour qu’il les ramenât en France.99

Quelques-uns de ces premiers marrons de la Martinique coloniale en fuite “par mer”, seront à l’origine, quelques années plus tard (1653), du massacre perpétré par les Caraïbes de la Dominique sur les ressortissants de la toute nouvelle colonie de Marie-Galante100. En réalité, il n’est pas exceptionnel de trouver dans les premières chroniques coloniales de Saint-Christophe, de la Guadeloupe, de la Martinique ou dans les rapports espagnols, mention d’engagés fugitifs “par mer” tentant de rejoindre d’autres îles de l’archipel. D’autres 36 mois, fugitifs “par terre”, poussés par les mauvais traitements ou les disettes, chercheront à intégrer pour des raisons de simple survie, les communautés amérindiennes situées aux marges des premiers établissements européens.

Cependant, ces engagés, premiers marrons coloniaux, ne sont pas les seuls dont l’historiographie précoloniale des Petites Antilles nous permet de tracer le profil. Les archives hispano-américaines abondent de notes, missives et rapports relatant à partir de la seconde moitié du XVIe siècle, la fuite de captifs, naufragés ou prisonniers de guerre qui, profitant d’escales de navires ou de flottes européennes, parviennent à échapper à la servitude101. D’autres, comme le remarquable conquistador-colon-explorateur margaritain Juan de Salas ou, plus tard, l’exceptionnel Francisco “Congo”102, parviendront, depuis la Dominique, à dérober une embarcation puis à rejoindre les colonies espagnoles de Porto Rico ou de Trinidad. Mais si tous ces faits concernent la catégorie des fugitifs “par mer”, beaucoup plus rares sont les notices concernant celle des fugitifs “par terre”.

Entre 1585 et 1587, Pedro Gomez de Rojas, capitaine de l’île de Margarita, au cours d’un combat naval l’opposant à 7 ou 9 pirogues de la Dominique, parviendra à capturer nombre de guerriers caraïbes. De la bouche des prisonniers, il apprendra que “les captifs qui sont à la Dominique se sont rebellés et se sont retranchés sur une montagne de la même île et que là, se défendent des indiens”103.

Des rapports antérieurs, émanant de divers captifs étant parvenus à fuir la Dominique, assurent de l’existence d’une trentaine d’Espagnols et d’une quarantaine de Noirs, hommes et femmes, esclaves des indigènes de cette île. Dans ces mêmes rapports, il est beaucoup question de Don Juan Garcia Troche104, fils de Don Juan Ponce de Leon II, et arrière petit-fils de Don Juan Ponce de Leon, premier du nom, conquistador de l’île de Porto Rico. Ceci étant, il est peut être intéressant de noter que le premier camp de marrons de l’histoire moderne des Petites Antilles est un camp de marrons espagnols et que parmi ces derniers figure probablement un des rejetons de l’une des plus illustres familles de la noblesse hispano-américaine.

* * *

L’une des caractéristiques du marron-ignéri est d’être cannibale. Il est par ailleurs remarquable que ce soit le seul trait de caractère du marron qui ait traversé toutes nos histoires. Le marron-ignéri dont avait peur le petit Kalinago est le même cannibale qui hantait notre enfance, et il n’est pas sûr que ce soit seulement là un effet dû au système dominant de l’époque coloniale et à ses modalités de reproduction105.

Que le marron-ignéri surprenne une jeune négresse esclave des Kalinago de la Dominique qu’il mange après l’avoir écorchée, ne le distingue guère de ces Mondongues guadeloupéens, marrons cannibales et joyeux qui, en août 1737, sacrifient “ leurs faux dieux” le rejeton “imbécile” du Béké Vonche106 Nos histoires comme nos berceuses107 sont pleines de ces cannibales trans-historiques et marrons dont l’ombre portée subsiste, comme par inertie, bien après l’abolition. Qu’ils s’appellent Ignéri, Arawak, Mondongue, Keler, Bambara ou Mocoe108, ils hantent notre imaginaire depuis les lustres anté-coloniaux; que nous soyons Kalinago, esclaves, Békés, dominants, dominés ou... nègres marrons109. Et c’est peut-être dans cet imaginaire, jamais démenti par les faits, qu’il nous faut en rechercher l’archétype.

La quasi-totalité des Indiens des basses terres d’Amérique du sud, conçoivent aux marges de leur monde, en négatif et en parallèle de leur univers culturel et social, un monde d’esprits peuplé de tribus fantastiques ou fantômes (Ghost-Tribes) dont l’activité principale est de nuire au genre humain. Hôtes des bois ou des montagnes, ils sont souvent dénommés hommes sauvages, diables, diablos, devils ou bush-devils, et revêtent les apparences les plus diverses. Souvent anthropomorphes, chevelus ou poilus comme des singes, ils sont dits manquer d’organisation sociale, de langage articulé et sont connus pour leurs attaques contre les hommes comme pour le rapt de femmes et d’enfants. Protecteurs de la Nature avec laquelle ils se confondent, ils n’usent d’aucun outil, ne pratiquent aucune agriculture.

Les Tukuya, Dai-dai ou Bush-Devils des Arawaks sont des esprits des bois aux cheveux si longs qu’on ne voit jamais leur visage. Les Yurokon des Kalina, les Curupira ou Caypor des tribus du stock Tupi-Guarani sont couverts de longs poils roux et de cheveux leur tombant sur le dos. L’Achi des Tamanacos, le Vestri ou Great-Devil des Maypures, d’apparence simiesque, terrifiaient les Indiens de l’Orénoque auxquels ils enlevaient leurs femmes. Comme les Vien-Vien de Martyr d’Angleria, les Aruto manquent d’organisation sociale et vivent de fruits sauvages; tout comme les Haihoe qui ne savent prononcer qu’un seul son qu’ils émettent par le nez. Les Wupuyana (Wuilpuï: montagne, gens de la montagne) des Kalina contemporains comme les mêmes Vien-Vien antillais, sont troglodytes, noctambules et couverts de poils. Les Arawaks des Guyanes comme les Tainos de Cuba entretenaient leurs visiteurs des Sibaoloko ou “hommes de pierre”110, dont le langage se composait du seul son sé, dont les cheveux couvraient le corps et qui vivaient sous les pierres. Extrêmement lestes et rapides, aucun de ces Homo selvaticus n’a jamais pu être approché ni capturé111.

Tout comme l’anthropologie de Colomb, de Martyr, d’Oviedo, de Las Casas ou de Rousseau est héritière d’Hésiode, l’ethnologie native ne fait aucune distinction entre tribus mythiques et historiques, entre hommes réels et imaginaires. Les voisins qu’elle désigne, Igneri, Ciboneyes, Vien-Vien, Guanahatabeyes s’apparentent aux êtres mythiques, hommes à queue, sauvages à tête de chien, Amazones, anthropophages qui hantent leurs songes. Le marron archaïque, cannibale parmi les cannibales, Homo selvaticus ou personnage historique, se situe à l’interface des deux mondes.

Partenaire d’un troc dont à la fois la cause, le produit et la somme s’appellent vengeance, il mange, pour se venger, le Caraïbe (qu’il peut). Comme le Cannibale mange son ennemi pour se venger de celui qui opprimait ses ancêtres, Caliban marron mange son maître non seulement parce que son maître le mange mais parce qu’il veut récupérer les siens que le maître a mangé. Car en fait, que cherche t-on en mangeant ses ennemis, sinon qu’à manger en réalité les parents et alliés dont ceux-là s’étaient nourris112.

La logique cannibale est une logique équitable de l’échange. Ta haine contre la mienne. Il est probable qu’à l’arrivée de Colomb, ce petit jeu soit plusieurs fois séculaire.

L’irruption du Blanc et du Noir introduisant une rupture de cette vieille et haineuse équité, ils ne sont pas consommés. Seul l’est l’Arawak-ignéri, l’étoutou, l’ennemi intime. Plus que son prochain, on mange son pareil. L’ennemi n’est récupérable que s’il est identique. Que le Blanc, l’etoutou noubi, l’ennemi contrefait, ne soit pas ingéré, qu’il soit simplement torturé (à très petit feu) puis assommé et jeté en pâture aux poissons de la mer d’où il vient, ne veut pas seulement dire que sa chair est mauvaise.

Pourquoi manger une chair qui ne recèle la substance d’aucun ancêtre? Comment se délecter d’une chair qui n’a pas le goût de la sienne?

Notes

1 Oviedo, 1992, t. II, p. 210.

2 Moreau, 1987, p. 182.

3 Provins (1646), 1939, t. IV, p. 38.

4 Rochefort, 1658.

5 Du Tertre, 1978, t. II, p. 374.

6 Rochefort, 1658, p. 328-9.

7 Description de l’isle de Saint-Vincent, Annales des Antilles, Fort-de-France, n° 10, 1961.

8 Relation historique sur l’île caraïbe de Saint-Vincent en indien Youroumayn, Annales des Antilles, n° 25, Fort-de-France, 1982, p. 39.

9 Relation historique sur l’île caraïbe de Saint-Vincent en indien Youroumayn, Annales des Antilles, n° 25, Fort-de-France, 1982, p. 42.

10 “il semble que la vengeance seule assaisonne un aliment que l’humanité repousse”: Abbé Raynal, Histoire des deux Indes, t. III.

“Jamais ils n’oublient le mal qu’on leur a fait ou qu’ils prétendent qu’on leur a fait”: Bouton, Relation de l’établissement des françois depuis l’an 1635 en l’île de la Martinique, l’une des Antilles de l’Amérique, Cramoisy, Paris, 1640.

11 Relation historique sur l’île caraïbe de Saint-Vincent en indien Youroumayn, Annales des Antilles, n° 25, Fort-de-France, 1982, p. 96.

12 Rochefort, 1658, p. 471.

13 Rochefort, 1658, p. 469.

14 Rochefort, 1658, p. 331.

15 Eliade, 1963, p. 176.

16 Labat, 1972, t. III, p. 242.

17 “Desde la isla Matinino, dicen mis informadores que vinieron a la que nos ocupa sus primeros pobladores transportados en sus canoas monoxilas, o sea lanchas de un solo madero, por haber sido arrojados de su patria por los partidarios de la faccion contraria Desterrados, pues, los de Matinino de sus propios lares, fijaron su residencia en la parte de la Espanola llamada Cahonao, a orillas del rio Bahaboni. Dentro de la desembocadura del rio Bahaboni hay una isla donde se dice que los inmigrados levantaron la primera casa, a la cual dieron el nombre de Camoteia. Consagrandola mas tarde y siempre la venenaron con perpetuos regalos, como nosotros a jerusalén, principio de nuestra religion, los mahometanos a la Meca”: Angleria, 1989, t. I, dec. III, lib. VII, p. 350.

18 Voir: Frère Pane, 1972.

19 Thévet, 1972, p. 157.

20“si l’on croit Dom Pierre marthyr d’Anglerie, cette isle fut d’abord peuplée par des sauvages venus de la Martinique, autrement dite Matinino, lesquels surpris de sa grandeur, crurent que c’était la plus grande terre du monde, et la nomèrent Quisqueia, du mot Quisquey, qui en leur langue signifiait tout”: Charlevoix, 1733, t. I, p. 5.

Si de nombreux auteurs désignent la Martinique comme le lieu d’origine de ces “marrons” primordiaux, les Kalinago eux, nomment leur île ioünacaéra (iwana-kaéra, iguane-île). Néanmoins, l’hypothèse d’une invasion des Petites Antilles par les Kalina ayant entrainé une fuite de sa population vers les Grandes Antilles, ne peut qu’être arbitrairement écartée de cette alchimie mythique.

21 Young, 1795.

22 Gullick, 1978, p. 286 et 1985.

23 Moreau, 1987, p. 182-184.

24 Coppier, 1645, p. 35.

25 R. P. Hallay (1657), 1982, p. 124.

26 Breton (1647), 1978, p. 52-53.

27Relation de l’isle de la Guadelouppe faite par les dominicains à leur général en 1647; Bibliothèque nationale de France, ms fr. 24974.

28“Nos Karaïbes pourtant disent par une tradition certaine parmy eux, qu’ils sont les premiers habitans des Iles (correction version parisienne: qu’ils ont tués les Alouaques premiers habitants des isles) et que ceux qui sont dans les Montagnes sont de leurs esclaves qui s’en sont fuïs dans les montagnes et y ont peuplé, ce qui fait que maintenant ils ne pardonnent plus que rarement aux esclaves mâles, mais les tuent et les mangent. Que s’ils sont blancs ce peut estre à cause du froid”: Breton (1647), 1978, p. 53.

29 Breton quelques années plus tard, s’agissant de la conquête des îles par les Caraïbes et rapportant l’opininon des indigènes à ce sujet, affirmera que les îles étaient déjà peuplées et que les autochtones n’avaient pas tous été massacrés: “le Capitaine qui les avait conduit était petit de corps, mais grand en courage, qu’il mangeait peu, et buvait encore moins, qu’il avait exterminé tous les naturels du pays, à la réserve des femmes”: R. P. Breton (1665), 1999, p. 115.

30 du Puis (1652), 1972, p. 186-7.

31 Voir: Acosta Saignes, 1950.

32 du Tertre (1667), 1978, t. II, p. 373-4.

33 On s’interrogera par ailleurs, sur les liens entre propagation de la foi chrétienne et propagation du cartésianisme qui iront quelquefois de pair en cette Amérique missionnaire du milieu du XVIIe siècle comme en la personne du jésuite denis Mesland (1615-1672). Ancien du collège de La Flèche, disciple et ami de Descartes (1596-1650), fondateur entre 1645 et 1647, de la mission des jésuites auprès des Caraïbes de la Martinique entre Sainte-Luce et la Rivière du Pilote puis, missionnaire auprès des Galibi de Terre Ferme, professseur de philosophie au collège de Bogota et considéré comme le père du cartésianisme en Amérique.

Breton le dit auteur d’un rapport (inédit) sur les Caraïbes de la Martinique qui présenterait des mythes distincts de ceux de la Dominique “en autres îles ils ont d’autres resveries, comme nous avons sceu par le rapport du Révérend Père Mesland, Jésuite, qui a été parmy les sauvages de la Martinique”: Breton (1647), 1978, p. 50.

34 “les Alouagues premiers habitants des îles”. Relation parisienne, Bibl. Nat., ms fr. 24974.

35 Breton (1665), 1999 et 1666.

36

37“Fugitif, toüalicha, f ànourouti; Anourouti, fugitif, marron”: Breton, 1666, p. 186 et p. 22.

38 Anoura, fuir”. Breton, 1999, p. 22.

39 “nègre fugitif, qui se rend sauvage dans les bois, toüalicha, f. ànourouti”: Breton, 1666, p. 355. On retrouve le mot kalina tuwa: limbo “ceux qui ont fui”, dans les désignations de populations Noirs marrons ou Bushinengue: Renault-Lescure, “Notes” dans Breton, 1999, p. 300.

40

41 Pelleprat,1655, p. 68.

42 Du Tertre, 1978, t. II, p. 373.

43 Rafinesque, 1836.

44 Brasseur de Beaubourg, 1869.

45 “The Caribs; had found them occupied by a peaceful race, whom they styled ineri or igneri. The males of this race they slew or drove into the interior; The fragments of the language of the latter show clearly that they were of Arawack lineage, and that the so-called igneri were members of that nation. As the traces of the “island Arawack”, as the tongue of the Igneri may be called, prove the extension of this tribe over all the Lesser Antilles”: Brinton, 1871, p. 10.

46 Loven, 1935, p. VI.

47 Pablo Morales Cabrera, 1932, p. 19.

48

  • Eyéri, eyerium: hommes”: Breton, 1999, p. 155.
  • “Masle de sexe, ouekélli, f. eyeri”: Breton, 1666.
  • Ygneri (ineri ?) and its variants, should be compared with Breton’s “eyéri, homme”, and with the present-day Blak Caribs eiéri, iéri man (vir), in the language of the women”: Taylor, 1972, p. 9.

49 Moreau, 1987, p. 182.

50“Le mot ethnocentrisme introduit par W. G. Summer en 1907, désigne communément une attitude collective consistant “répudier les formes culturelles, morales, religieuses, sociales, esthétiques, qui sont les plus éloignées” de celles propres à une société donnée. Pour chaque groupe social, l’humanité cesse à sa frontière linguistique, ethnique, voire de classe ou de caste. Bien souvent les peuples se nomment eux-mêmes “les hommes”, “les bels gens”, “les vrais”, catégories dont l’étranger se trouve par nature exclu”: Izard & Bonte, 1991, p. 247.

51 Kalinago: Kalina: homme, être humain, personne; go: suffixe pluriel.

52 - “Plusieurs substantifs ont des pluriels: comme... eyéri, mary, eyérium”: Breton (1668), 1878, p. 11.

  • “époux f. iraiti, 5 st eyeri-ti, Arawak ire-ti”: De Goeje, 1939, p. 40.
  • neiérite, my man, from eiéri man”: Taylor, 1972, p. 288.
  • “époux, Achagua, Piapoko niri, Adzaneni iniri, Kat, Si ineri, Uar p-aniri”: De Goeje, 1939, p. 8.
  • “Husband: Lokono ireti, Caouri niri, Madauaca niri, Jabaana imiri, imigi, Piro aneri”: Taylor, 1957, p. 47.
  • “son: used by men wukuri, by women éyéri”: Rat, 1898, p. 311.
  • “Mariaté ynari, paraujano ieri: dog”: Taylor, 1961, p. 171.
  • “renard: Achagua inaridu, Baniva, Yavitare inarito, Gu yunali. Opossum Tar inali. chien: Mariaté inari”: De Goeje, 1939, p. 13.

53 “En la région de Guaccaiarima, que es la ultima hacia occidente y dentro el pequeno territorio de Zavana, se dice que habitan unos hombres que, contentandose con cavernas y frutas silvestres, nunca se han amansado ni venido al trato con ningun mortal, sino que viven vagabundos, sin sembrados ni agricultura, segun se lee de la edad de oro. Se asegura que carecen de lenguaje determinado. Alguna que otra vez se los ve, pero nunca se han logrado apresar ninguno, porque si al llegar a la presencia humana se dan cuenta de que se mueve hacia ellos, escapan con la velocidad del ciervo. Son - se diçe - mas rapidos que galgos. Tienen los nuestros algunas heredades a la margen de espesas selvas y bosques. Algunos cristianos se trasladaron a aquellas en septiembre de 1514, en busca de esparcimientos, cuando subitamente salto de la espesura el hombre sin lengua y se llevo de junto a los cristianos al hijo del senor de la propriedad, habido de una mujer islena. Huyo el vagabundo haciendo senas de que lo siguieran. Muchos de los nuestros y de los indigenas desnudos corrieron hacia el raptor, sin poder aggararlo. Cuando el gracioso personaje vio que los cristianos desistian de la persecucion, abandono al nino en una encrucijada por donde vagaban ciertos poquerizos que conducian sus cerdos a pastar. Uno de aquellos tropezo con el muchacho y tomandolo en brazos se lo llevo al desesperado padre, que pensando que el vagabundo era del linaje de los canibales, lloraba a su hijo como ya”: de Angleria, 1989, t. I, Dec. III, lib. VIII, p. 366.

54 “En la mas remota parte de la isla hacia el Septentrion, hay un monte altisimo y totalmente inaccessible, donde hay hombres salvajes, con todo el cuerpo cubierto de pelos largos, menos en los pies, las rodillas, las dos manos y todo el rostro como se suelen pintar en los publicos zaguanes de los nobles y principes que rehuyen todo trato con los hombres, y, si alguna vez bajan al llano y aciertan a ver a algun hombre de camino, se retiran al monte con tal velocidad que no podria aventajarles ningun caballo”: Geraldini, 1977, p. 158.

55 “Guacayarima, la cual era de gente muy salvaje. Estos vivian en cavernas o espeluncas soterranas e fechas en las penas e montes. No sembraban ni labraban la tierra para cosa alguna, e con solamente las fructas e hierbas e raices que la Natura, de su propio e natural oficio producia, se mantenian... Todo cuanto tenian, eso que era de cualquier género que fuese, era commun y de todos, excepto las mujeres, que éstas eran distintas, e cada uno tenia consigo las que queria; e por cualquier voluntad del hombre o de la mujer, se apartaban, e se concedian a otro hombre, sin que por eso hobiese celos ni rencillas. Aquesta gente fué la mas salvaje que hasta agora se ha visto en las Indias. Oviedo, (1557), 1992, lib. III, cap. XII, p. 83.

56 “Guacaiarima, que era de gente bestial; ca ni tenian casas ni pan”: Lopez de Gomara, (1552), 1946, t. XXII, p. 175.

57 S’il devait exister une Mecque du marronage, il est fort à penser que ce label reviendrait à cet inexpugnable massif montagneux situé sur la frontière dominicano-haïtienne, haut-lieu de résistance (bien avant la rebellion (1519-1534) du cacique Henri ou Enriquillo, premier grand marron de l’histoire moderne du Nouveau Monde), et pour plus de 3 siècles de générations de marrons fuyant le Santo Domingo espagnol et le Saint-Domingue français.

58 Mondongos, Mondongues, Mondongoués: esclaves originaires du Congo et plus particulièrement de l’enclave dite de Cabende ou Cabinda située au nord de l’embouchure du fleuve Zaïre. Réputés anthropophages, ils avaient les dents limées en pointe et la poitrine brodée de tatouages et de scarifications. Leur ethnonyme légendaire est dans toutes les Antilles synonyme d’anthropophage. Les lwa (divinités) mondong composent à l’intérieur de la division Pétro du Vaudou Haïtien, la terrible section des esprits cannibales, ceux que l’on nomme encore djab (diables). En République dominicaine, le mondongo est un excellent plat de tripes et on connait encore dans nos îles le bwa mondong ou bwa moudang aux vertus magiques.

59 “En esas montanas (Bahoruco) existen todavia esos hombres semi-salvajes, conocidos con el nombre de vien-vien; nombre que se les ha dado porque es su grito ordinario; el unico sonido articulado que se les ha oido. Sin lazos con la sociedad viven desnudos, retirados alli en los mas profundo de aquellas selvas. Desde hace algun tiempo no dan senales de existencia, pero es porque se han internado en aquellos impenetrables bosques. Anteriormente solian bajar de las lomas a los conucos distantes de poblado para proveerse de viveres y granos; y varias veces se les ha visto durante 2 o 3 noches consecutivas, en la cima de las montanas de Paradis... Los vien-vien tienen extraordinaria agilidad; semejantes a monos, trepan por las barrancas y las rocas con asombrosa promptitud. Entre los Vien-Vien hay una clase llamada “mondongo” que es dada a la antropofagia. Su numero se dice es corto y se conocen por el color del pelo que es rojo amarillo: Nouel, dans Vega, 1987.

60 Vega & Deive, 1987.

61 Jibaro: Synonyme en République dominicaine d’animal ou de chien marron. “En Santo Domingo se aplica este nombre a los perros que se crian en los montes, ajenos a toda domesticidad. Adjetivo americano. Epiteto de los animales domesticos que se hacen montaraces, particularmente los perros”: Tejera, 1977, t. II, p. 889.

62 Herskovits, 1971, p. 218.

63 Vega, 1987, p. 135.

64 “ciertas entradas o penas, que llaman xagüeyes los indios, que los habia tan grandes que podian vivir en ellos muchos vecinos...; alli se escondian cuando la calamidad de los espanoles los perseguia, y porque huyendo dellos algunos alli escondidos hallarian, quien a Oviedo se lo dijo (si no lo puso, quiza de su casa, como suele, anadiendo a su historia, como dije, ripio), por aquello lo diria”: Las Casas (1552), 1985, t. II, lib. II, cap. X.

65Keegan, 1989, p. 376.

66

  • “unos indios que estan dentro de Cuba, ... los cuales son como salvajes, que en ninguna cosa tratan con los de la isla, ni tienen casas, sino estan en cuevas de continuo, sino es cuando salen a pescar, llamanse guanatahabeyes; otros hay que se llaman siboneyes, que los indios de la misma isla tienen por sirvientes. Relaciones que hicieron algunos religiosos sobre los excesos que habia en Indias”: Torres de Mendoza, 1867, p. 35.
  • “la mas antigua y natural de aquella isla era... como los seres, que parecian no haber pecado nuestro padre Adan con ellos; gente simplicisima, bonisima, careciente de todos vicios; esta era la natural y nativa de aquella isla, y llamabanse en su lengua ciboneyes, y los desta (Espagnola) por grado o por fuerza, se apoderaron de aquella Isla y gente della, y los tenian como sirvientes suyos, no como esclavos, porque nunca en todas estas Indias se hallo que hiciesen diferencia, o muy poca, de los libres y aun de los hijos a los esclavos”: Las Casas, 1985, t. II, cap. XXI, lib. III, p. 507.
  • “pasaron desta isla Espanola alguna gente, mayormente después que los espanoles comenzaron a fatigar y a oprimir los vecinos naturales désta, y, llegados en aquélla, o por grado o por fuerza en ella habitaron, y sojuzgaron por ventura los naturales della, que como dije arriba, llamabanse ciboneyes, y, segun entonces creimos, no habia 50 anos que los désta hobiesen pasado a aquella isla”: Las Casas, 1985, t. II, lib. III, cap. XXIII, p. 514.
  • “cuando paso la gente de esta isla Espanola, y poco a poco sojuzgo a la de aquella (Cuba), que era une gente simplicisima y mansuetisima, la misma que la de los lucayos...; tuviéronlos como por esclavos y llamabanlos exbuneyes, pero ninguna diferencia era entre los hijos y aquéllos que habian sojuzgado”: Las Casas, 1909, p. 115.

67 “los Buanahataveyes que son unos indios como salvajes”: Diaz del Castillo, 1972, cap. II, p. 5.

68 “los Guanahacabibes. Estos ultimos que son los postreros, son a manera de salvajes: no tienen casas, asientos, ni pueblos, ni: no comen sino tortugas, pescado i algunas salvaginas, que toman por los montes”: Marrero, 1978, p. 231.

69 “on pourrait, en résumé, se représenter de la façon suivante la préhistoire des Antilles: A l’origine une population dont les restes nous sont peut-être conservés dans les squelettes à demi fossilisés que l’on a trouvés à Cuba et dont les descendants auraient été les Guacanabibes que Colomb trouva lorsqu’il foula le sol de cette île pour la première fois” Beuchat, 1912, p. 526-7.

70 Harrington, 1921.

71 Fewkes, 1904, p. 585-598.

72 Cosculluela, 1918.

73 Rouse, 1992, p. 70.

74 Keegan, 1989, p. 377.

75 Keegan, 1989, p. 373-379.

76 12 femmes de 15 à 16 ans et 2 adolescents du même âge, selon de Cuneo, dans Gil & Varela, 1984.

77 Trois ou quatre de ces captifs (2 femmes, 1 ou 2 adolescents), s’enfuiront de nuit, rejoignant la côte à la nage, lors d’une escale de la flotte à Porto Rico. Voir: de Angleria, Décade I, lib. 2, p. 120-122.

A l’arrivée de Colomb à l’Espagnole, 8 ou 10 autres captives dont l’une nommée Catalina, la première esclave autochtone “marronne” identifiée de l’histoire américaine, tenteront de nuit de s’échapper à la nage et de rejoindre la côte située à plusieurs kilomètres des navires. 3 ou 4 de ces fugitives seront reprises par les Espagnols avant de rejoindre la côte tandis que Catalina et ses autres compagnes, apparemment aidées et guidées par les gens du cacique Guacanagari parviendront à s’enfuir.

78

  • “femme esclave: oubérou, f . hài. femme captive esclave: ahi, oubéerou”: Breton, 1666, p. 61-153.
  • oubéerou: femme esclave. nomanharou: femme esclave. ahi: femme esclave”: Breton, 1999, p. 20, 398-416.

79 Les anciens Tupi, du littoral Brésilien offraient une grande liberté à leurs prisonniers de guerre et leur fournissaient même une compagne avant leur mise à mort. L’enfant issu de ces amours, considéré fruit d’une semence ennemie et donc ennemi lui même était à la suite de son père, sacrifié et consommé par tous les membres du village, y compris par sa propre mère. La castration des jeunes prisonniers évitait aux Caraïbes qui ne sacrifiaient ni ne consommaient ni femmes ni enfants, ce type de “dilemme”.

80 “Quand ils prennent des Chrétiens, ils les amènent chez eux, où ils les gardent comme esclaves et les emploient à creuser leurs jardins et à d’autres travaux domestiques. Ils en usent de même des Indiens captifs. Mais de ceux-ci ils en gardent un grand nombre pour les manger et, en ce cas, ils les engraissent, tout à fait comme on engraisse, chez nous les cochons et les bœufs”: Gerritz ou Gerretssen (1629-1630), 1907, vol. XXIX, p. 114.

81

  • “serf: tàmon, mon serf, mon esclave: iàconum, f. nitàmoni. homme captif: tàmon”: Breton, 1666, p. 61 et 360.
  • tàmon, nitàmoni: esclave, mon esclave. katàmoni làyem, ou catàmoni làyem, ou catàmonihànum loroman: il les rend esclaves, ils les fait captifs. katàmoniti: il a des esclaves. litàmoni énli: il est son esclave”: Breton, 1999, p. 450.

82 “en la dicha Dominica ay muchos cristianos cautibos y a su parecer commo 300 negros”: Ynformaçion cerca de la Dominica, declaracion de Luisa de Navarrete, 7-10-1588, AGI Santo Domingo 155, ramo 1, n° 118.

83 “Le terme de vengeance, habituellement associé aux motivations de l’exocannibalisme, est trompeur car, initialement, égaliser est le principal et nuire est le secondaire”: Guille-Escuret, 1992, p. 327-345.

84 Anonyme, “Mémoire sur les indiens ou naturels de la Guyane” (1787?), dans Ternaux-Compans, p. 281-82.

85 Archivo Général de Indias, Sevilla, Patronato, legajo 179, n° 4, ramo 1 (6), Puerto Rico, 17-09-1580, fol. 3.

86 Testigo Luysa de NavaRete, 19-09-1580, AGI Patronato 179, n° 4, ramo 1(6).

87 El Rey a la audiencia de Santo Domingo, 12-06-1584, AGI, Santo Domingo 2280, libro 4, fol. 138.

88 Rochefort, 1658, p. 512.

89 Moreau, 1987, p. 151.

90 Moreau, 1987, p. 151.

91 Breton, 1978, p. 138.

92 Rochefort, 1658, p. 512-513.

93 Du Tertre, 1978, t. II, p. 420.

94 De la Borde, 1674, p. 37.

95

  • Les Caraïbes semblent distinguer deux types de marrons: ceux qui s’enfuient vers l’intérieur des terres et ceux qui, dérobant une embarcation, s’enfuient en direction d’une autre île. “il est marron fugitif par terre, natounoumain hali. Par eau, nitoüalécaeali, f. anouraali”: Breton, 1666, p. 239.
  • nitoüalicaeatina, je me méprends, je gagne le bois, je suis marron (mot du pays), je suis en fuite par terre. nitounnamainhatina, par mer”: Breton, 1999, p. 195.
  • Rochefort dans son vocabulaire caraïbe, établi sur la base d’une liste communiquée par Breton, semble affirmer l’utilisation par les Kalinago du terme marron dans le sens de sauvage, silvestre, non-domestique. “Sauvage, Maron. Les Caraïbes ne donnent ce nom qu’aus animaux et aus fruits sauvages”: Rochefort, 1658, p. 519. Breton dans la préface de son Dictionnaire Caraïbe-Français, corrigera cette assertion: “cacone, maron, canari... ne sont point mots sauvages”, Breton, 1999, p. vii.

96 Voir: Fallope, 1992, p. 211.

97 Breton, 1978, p. 52-53.

98 Relation de Maurile de St-Michel (vers 1650), 347 folios; Biblio. Nat. ms N.A.F 9320, fol. 77-78.

99 Du Tertre, 1978, p. 101.

100 “Quelques engagés fugitifs de la Martinique enlevèrent un canot et vinrent à la Capesterre de la Dominique, et n’y trouvant que les femmes, parce que les hommes étaient allez à l’expédition d’Antigue, ils pillèrent les carbets et firent violence aux femmes et aux filles. Les Caraïbes étant revenus victorieux et chargés de butin, furent extrêmement irrités de ce qui était arrivé chez eux, et comme ils ne se sentaient pas assez forts pour s’en venger sur les habitans de la Martinique, ils tournèrent leur vengeance sur ceux de Marie-Galante”: R. P. Labat, (1742) 1972, t. III, p. 76.

101 Voir Moreau, 1992.

102 L’Etang, 1998.

103 “El capitan Pedro Gomez de Rojas vezino de la ysla Margarita havia captivado unos yndios de la Dominica los quales dizen que los captivos que estan en la Dominica se havian revelado y estan hechos fuertes en una sierra de la misma ysla y que alli se defienden de los yndios”: El obispo de Puerto Rico, Memoria cerca de la ysla Dominica, British Library, Venezuelan arbitration transcripts, V, additional manuscripts 36314, vol. I, fol. 184-188.

“Antonio malla de Salcedo; fue a la isla de la trenidad y rio de orinoco por soldado con el capitan pedro gomez de rojas contra franceses y caribes por horden de francisco gonzalez de villasante teniente de gobernador por don juan sarmiento de villandrando y peleo con 7 piraguas de caribes y tomo la capitana y salio herido de un braço de lo qual estuvo a punto de muerte. El dicho antonio malla fue por escrivano general y soldado de una armada queste hizo contra franceses y carives por mandado de francisco gonçales teniente de la margarita siendo capitan pedro gomez de rojas y tomaron una piragua de carives y se les escaparon otras 6 que venian contra cristianos.”: Probanza de Antonio Malla de Salcedo, 29-01-1590, AGI Santo Domingo 81, R.2, n° 12.

“puede aver poco mas de 30 anos abiendo salido desta ysla el capitan pedro gomez de roxas con una armadilla de 4 piraguas guarnesidas de espanoles y yndios guayqueries y parias y este testigo en su compania. Toparon con una armada de 3 piraguas de los dichos caribes cosarios y peleando con ellos y matando muchos de los dichos caribes tomaron las 8 piraguas dellos”: Capitan Jorge gomez, testigo, AGI Santo Domingo 180, R.7, n° 59.

104En 1569, Don Juan Troche Ponce de Leon (1528-1590) encore nommé juan Ponce de Leon II, éminent colon de Porto Rico, obtint du Roi d’Espagne la charge de capitaine général, Adelantado des îles de Trinidad et Tobago lui permettant de se lancer (à ses frais) à la conquête de ces îles. Arrivé à Trinidad le 21 décembre 1569 avec, parmi sa suite de colons-soldats, son fils aîné don juan Garcia Troche âgé d’une vingtaine d’années, il s’engage dans la conquête de l’île. Ce faisant, il se heurte aux indiens Nepuyo alors que mutineries, et désertions minent ses troupes. Manquant de vivres et de bases arrières de ravitaillement, acculé par la famine il envoit son fils et 3 de ses hommes à la recherche de secours. 9 mois après son arrivée, n’ayant jamais revu l’expédition de secours, c’est un homme défait qui retourne à Porto Rico et qui avoue aux autorités avoir perdu dans l’aventure, son fils aîné ainsi que 12'000 ducats or.

Quelque 10 ans plus tard, le 4 octobre 1580, lors d’un raid caraïbe sur Porto Rico, une négresse “libre” Luisa de Navarrete, alors femme-esclave d’un capitaine de guerre de la Dominique, parvint à s’enfuir et à rejoindre les établissements espagnols. Interrogée par les autorités, elle certifie sous serment avoir été enlevée 4 ans plus tôt lors d’un précédent raid des Kalinago sur Porto Rico. Ce faisant, elle affirme avoir connu parmi la trentaine d’Espagnols esclaves des Caraïbes de la Dominique, un fils de juan Ponce de Léon qui alors qu’on le croyait mort, semble avoir été capturé par les indiens de Trinidad puis à nouveau enlevé par les Caraïbes lors d’une attaque sur cette île. La nouvelle faisant l’effet d’une bombe dans la colonie, juan Ponce de Leon ruiné, devenu ecclésiastique pour échapper à la prison et au fisc, adresse de nombreuses missives à l’Empereur Philippe II (1527-1598) lui demandant d’organiser une expédition de récupération de son fils et des autres captifs espagnols. Les années passant, la décision de l’Empereur tardant à arriver, d’autres nouvelles parviennent à Porto Rico. Un Noir, esclave d’un colon portugais ayant lui aussi parvenu à s’enfuir de la Dominique; un Basque de passage dans l’île en compagnie de corsaires Français affirment avoir connu juan Garcia Troche et attestent qu’il pourrait être échangé contre des “haches” et des “couteaux”.

Voir: Ponce de Leon a SM, 13-08-1583, AGI, Santo Domingo 175.

  • El obispo de Puerto Rico, Memoria cerca de la ysla Dominica, British Library, Venezuelan arbitration transcripts, V, additional manuscripts 36314, vol. I, fol. 184-188.
  • AGI Patronato, N. 4, R. 1(6).
  • Alegria, Revista del museo de la U.P.R, n° 2, 1980.

105 “Il est significatif que peu à peu les colons et l’autorité (aidés de l’Eglise) aient pu imposer à la population l’image du nègre marron comme bandit vulgaire, assassin seulement soucieux de ne pas travailler, jusqu’à en faire dans la représentation populaire le croquemitaine scélérat dont on menace les enfants”: Glissant, 1981, p. 104.

106 Voir: Abenon, 1983.

107 “Dans une lettre du 3 juillet 1705 (Arch. Col., C8.15, correspondance générale de la Martinique 1639-1735) Mr de Machault, gouverneur général des Isles d’Amérique, affirme que les nègres marrons ont enlevé des hommes et des femmes pour les manger”: Peytraud, p. 250.

“Thirza, la bonne soeur, aux grands yeux de gazelle,
agitant un berceau répéta ce:
Ferme les yeux, dors, jeune frère,
Sinon le chien noir hurlera;
Dors sans pleurer, fils de la mère,
ou le Kéler te mangera”.

Le Camp des Kélers, ballade dans Dubois, 1865, p. 9-10.

“La ho, la ho dan sé bwa la
tin on gwo neg bambara
ki ka manjé tout ti moun
tan zan tan i ka pwan
on ti kout ronm
woy, woy
dan bwa la (3 fois)


Là haut dans les bois
il y a un gros nègre bambara
qui mange tous les petits enfants
de temps en temps il boit
un peu de rhum
aïe ! aïe ! aïe !
dans les bois (bis)”.

Berceuse, Benoit, Taupe, Lacreole, Etzol, 1983, p. 19-47.

108 “Les Mocoes sont habituellement cannibales. Ce fait est prouvé par l’aveu d’un esclave Mocoe, qui convint qu’il avoit souvent partagé de pareils repas, et par le procès bien connu de deux nègres d’Antigue qui en 1770, furent jugés et condamnés pour avoir tué et mangé un de leurs camarades”: Bryan, 1801, p. 218.

109 “We lived in Suriname, where old Saramaka men used to tell us about their tremendous fear of escapees from the bagne. Well into the 1970, Saramaka mothers still frightened their children by repeating the adage, Little children cooked up with dasheen, that’s the convict’s favorite dish”: Price, 1998, p. 107.

110 Voir: Roth, 1915 et Magana, 1962, p. 63-114.

  • “The names of tribes such as Siboneyes, Guantaneyes, owe their termination to the island Arawack, eyeri men. The name is evidently from Arawak siba, rock, eyeri men, men of the rocks”: Brinton, 1871, p. 14.
     
  • “ciboney, de ciba: piedra e igneri, igney: hombre”: José juan Arrom, 1989, p. 54.

111 “instantly flee as soon as one is discovered, so that none of them has ever been taken alive, much less any attempts made for taming them”: Roth, 1915, p. 366.

112 Clastres, 1972.

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