Mon Île

par Pierre Argo, artiste peintre/photographe

Pierre Argo Né à l'île Maurice en 1941, Pierre Argo vit entre l’île Maurice et Paris. Incapable de couper le cordon ombilical qui l’unit à son île. Mais obligé d’être dans la capitale française pour servir son art. Artiste peintre et photographe, Pierre Argo c’est un regard émerveillé, scrutateur, authentique mais jamais neutre sur l’île Maurice et les îles. Alternant ses reportages pour des prestigieux magazines, exposant autour du monde, poursuivant sa pérégrination pour réaliser son livre sur les villages en Afrique; Pierre Argo a lancé, il y a quelques mois une nouvelle collection, «Les merveilles de l’Océan Indien» dont le premier livre est consacré au Maha Shivaratree. Une pure merveille.

De ses bureaux d’Archipelago Production à Rose-Hill, il projette ses nouvelles quêtes. Dit sa fascination pour l’île Rodrigues, regrette que l’île Maurice ait perdu son côté authentique. «L’île Maurice ne me fait plus vibrer. L’île Maurice a perdu sa créolité. Je ne sens plus l’odeur du bombli en train de griller ni la pomme d’amour qui pousse sa plainte et exhale ses saveurs au contact d’une flamme. Nous avons, je crois, perdu les plus beaux atouts de notre insularité.

L’île Maurice est devenue hermétique et cosmétique. Nous perdons tous les jours un élément de notre joyau architectural qui est, sans que cela n’émeuve personne, remplacé par le béton de mauvais goût et mal inspiré. À cette allure l’île Maurice ne sera plus comme avant. Le projet d’accueillir 2 millions de touristes à Maurice ne sera qu’un mirage».

Il reste cependant profondément attaché à cette île qui demeure pour lui l’endroit unique pour se ressourcer à travers une rencontre, un sourire, un regard. «Notre seule richesse culturelle ce sont désormais les hommes, il faut veiller à ce que cela aussi ne disparaisse pas».

Dans «Mon île», Pierre Argo, homme d’image passionné et passionnant, dépeint une île Maurice loin des cartes postales, mais savoureuse comme un chatini de pomme d’amour…

Dans quel hôtel passeriez-vous vos vacances ?

Au One & Only Le Saint Géran. Je n’y suis pas allé depuis quelque temps mais c’est un hôtel qui a une âme. Il y a une ambiance extraordinaire là-bas et la rencontre avec les gens est restée authentique. Le One & Only Le Saint Géran c’est aussi des normes de qualité exceptionnelles qui prouvent qu’à Maurice on peut faire quelque chose de niveau mondial. Quelques-uns de mes plus beaux souvenirs sont liés à cet hôtel. L’Oberoi, qui a su faire la quintessence de deux grandes civilisations est également un hôtel qui cadre avec ma notion de vacances Si j’étais accompagné de jeunes, j’opterai sans hésiter pour le Coco Beach sur la côte Est.

Qu’est-ce qu’il ne faut pas rater quand on vient à l’île Maurice ?

La rencontre avec les gens. Le Mauricien est un être exceptionnel et quand on vient ici il ne faut pas rater cette rencontre-là. Culturellement qu’a donc l’île Maurice à offrir? Le Jardin de Pamplemousses? Il est à l’abandon. Les plages? L’érosion fait son œuvre dévastatrice sans que personne ne s’émeuve.

Dans n’importe quel pays où l’on va on peut s’enrichir culturellement. L’île Maurice est très pauvre de ce côté-là. La seule richesse culturelle que l’on peut apporter c’est notre peuple, donc, à nos visiteurs, je dis : ne ratez pas votre rencontre avec le Mauricien.

Pour quelqu’un qui songerait à visiter l’Océan Indien, je recommanderai un trio gagnant : la Réunion pour la nature, les Seychelles pour ses plages et l’île Maurice pour son peuple.

Un livre à recommander ?

Les deux tomes de Jean-Claude de L’Estrac, «Enfants de mille races», un livre absolument extraordinaire pour comprendre l’histoire de l’île Maurice. C’est écrit sans fard. «Les noms de la honte» d’Alain Romaine qui parle des stigmates de l’esclavage et le dernier livre de Shenaz Patel, le «Silence de Chagos» pour comprendre la souffrance des déracinés de l’Archipel de Chagos. J’attends avec impatience le livre d’Henri Marimootoo…

Un plat à déguster ou un restaurant à découvrir quand on est à Maurice ?

Bouillon brède chouchou, daube d’ourite et achard légumes. C’est ma combinaison gagnante !

Un cadeau à offrir à un visiteur ?

C’est extrêmement difficile de répondre car ce pays n’a plus grand-chose à offrir. À réfléchir, le cadeau idéal serait le sourire d’un Mauricien pris en photo. Un vrai sourire mauricien, authentique, sentant bon l’hospitalité, oui, je crois qu’il n’y a rien de mieux à donner à un visiteur. Je pense que ce sourire-là romprait la grisaille dans n’importe quelle capitale européenne.

Votre boisson préférée ?

Une bonne limonade avec des limons de Rodrigues, un bon alouda bazar et un bon thé à la mauricienne.

 

Kuxville
Les îles du Nord.