«Fini konne res zis pu aprann»

par Paul Comarmond

Paul Comarmond

J’aime les carrefours où les sentiers de la créolité se croisent.
J’aime les jeunes qui revendiquent leurs montagnes et leurs cirques.
J’aime les aînés qui n’ont pas oublié et qui sont fiers de nous le rappeller.
J’aime le rhum arrangé et la chaleur des fêtes en plein air.
J’aime l’odeur des frangipaniers au coucher du soleil.
J’aime être assis dans un cercle d’enfants à écouter «Zan gourman set menton».
J’aime le débalancement de tes hanches qui donne la cadence à mes mains.
J’aime le son de cette musique de nègres qui chauffe et monte le mouvement.

Avec du recul on arrive à tout comprendre.

Les aînés reprochent souvent aux jeunes leur désinvolture et leur manque de curiosité.

Celui qui ne connaît pas son histoire ne possède pas d’âme.

Bien souvent nous avons du mal à la saisir mais nous la savons solide et présente dans la brume.

Bien de relents nous la font sentir. (Musique, cuisine, danses, carnavals, contes, artisanat).

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Paul Comarmond

Nos différentes composantes identitaires créoles se rejoignent aujourd’hui dans les grandes capitales du monde. Parfois les mêmes ports d’où les navires partaient pour aller briser familles et tribus en constituant une masse servile.

Nous nous rencontrons dans ces carrefours qui n’ont d’autre but maintenant qu’on se le dise que de nous regrouper.

On nous a avec force obligés à effacer les empreintes du parcours historique et ses points de repère; notre travail de mémoire est de tout redessiner, de tout raconter. Pas de touristes de la créolité mais des soldats de la cause au quotidien.

Renforcer notre identité individuelle en partageant avec la nouvelle collectivité reconstituée  nos mémoires retrouvées, voilà le noyau du travail à faire. «Fini konne res zis pu aprann». Il nous reste à communiquer avec nos langues respectives pour comprendre l’autre frère retrouvé et à écouter le récit de son parcours.

Depuis quelques années déjà, Montréal a été la première ville d’Amérique du nord à célébrer cette réalité avec du théâtre, des concerts, des conférences. Toronto avec Kréofolies et deux vidéo conférences internationales en février suit le pas avec aussi des célébrations pendant le mois d’Octobre.

Entre le mirliton et le chouchou, l’arbre véritable et le fruit à pain identitairement nous ne sommes plus des Haïtiens mais des créoles du monde, nous sommes aussi Dominicains, Sainte Luciens, Martiniquais, Guadeloupéens, Seychellois, Réunionnais, Chagossiens, Rodriguais, Mauriciens.

Le public reconnaît aujourd’hui cette force d’un peuple sorti du rang qui est près à «donner sa présence» au monde.